
Cela devait arriver. Paris possédait bien deux lieux muséaux voués à la mode. Mais aucun d’eux n’exposait, ce serait-ce que par roulement, ses collections. Le Palais Galliera, relevant de la Ville, et les Arts décoratifs, récemment devenus le MAD (1), se contentaient en fait de présenter des expositions. En général de longue durée. Beaucoup d’argent se voyait en effet investi dans ces présentations, qui rencontraient pour la plupart un large public. Ces gros budgets sortaient souvent de la poche des maisons auxquelles ces institutions rendaient officiellement hommage. Il y avait là (il y a d’ailleurs toujours là) des arrangements se situant quelque part entre le délit d’initié et l’inceste.
Ce qui manquait, c’était un endroit pour montrer les vêtements civils, les costumes de théâtre et de scène ayant déjà trouvé leurs abris, notamment à Moulins. Le Palais Galliera, qui servait dans ma jeunesse à organiser des ventes aux enchères, a donc fermé une nouvelle fois ses portes pendant de longs mois. Il ne s’agissait plus de réhabiliter un bâtiment en marbre blanc évoquant le gâteau de mariage. Il fallait cette fois aménager des caves. Les galeries seraient souterraines. Un peu étranges, leurs formes suivraient les fondations sinueuses de l’édifice offert à la Municipalité en 1894 par une Brignole génoise, duchesse de Galliera. Les travaux sont désormais terminés. Le public peut donc se promener librement depuis le 2 octobre dans ces caves serpentines. Un peu étouffantes, ces dernières… On voit bien là que le projet est antérieur à l’actuelle pandémie!
Sous le signe de Gabrielle Chanel
Les galeries se voient dédiées à Gabrielle Chanel, dont l’illustre maison a par ailleurs bénéficié de l’exposition de réouverture. Sold out! Je n’ai jamais pu y entrer. On comprend vite par là qui est l’un des plus importants sponsors. Le choix des vêtements ne s’en veut pas moins œcuménique. Il y a de la place pour tout le monde, même si cette dernière se voit sévèrement comptée. Deux parti pris se remarquent cependant d’emblée. La mode masculine va faire de la figuration à peine intelligente, même si une très belle vitrine se voit consacrée aux gilets du XVIIIe siècle. L’essentiel du parcours se verra ensuite réservé au XXe et XXIe siècle. Ce sont les deux époques qui passionnent le public actuel. Ce sont aussi les mieux représentées dans les collections, dont les débuts remontent à 1920.

Chronologique mais parcimonieux, le parcours suggère la richesse du fonds. La présentation de chapeaux et de chaussures des années d’Occupation, entre 1940 et 1944, s’accompagne ainsi d’un cartel disant que le Palais Galliera en possède plus de 500 exemples. La première pièce présentée, une extraordinaire «robe volante» des années 1720-1730 en brocart jaune et argent, est une acquisition phare de 2016. Il convient aussi de montrer que le musée ne cesse de s’enrichir dans tous les domaines, avec l’aide de mécènes dont «Vogue France». Une revue faisant à l’étage au-dessus l’objet d’une exposition dont je vous parlerai. Autrement, le cheminement va de Paul Poiret à Comme des Garçons et de Madeleine Vionnet à Jean-Paul Gaultier. Mais attention! Le musée que dirige depuis 2018 Miren Arzalluz en remplacement du légendaire Olivier Saillard ne montre que des créateurs français ou adoubés par Paris. Il serait du pire goût de présenter la haute couture romaine ou américaine. Cette dernière doit rester tricolore.
Accessoires et photographies
Une part importante du circuit va à la photographie de mode, et une autre à ces accessoires qui sont parfois l’essentiel. Il s’agit d’aborder l’ensemble du sujet, avec toutes des implications. Pour Paul Poiret, l’homme qui mit fin au corset féminin en 1912, il y a ainsi les rappels de factures insistants adressées à une certaine dame Combes habitant 40, avenue Henri-Martin. La mode, c’est aussi une économie et des investissements! Les pages financières des journaux nous le rappellent d’ailleurs tous les jours.
(1) Le MAD, logé au Louvre, se situe quelque part entre le public et le privé.
Pratique
«Une histoire de la mode», Palais Galliera, 10, avenue Pierre-1er de Serbie, jusqu’au 26 juin 2022. Attention! L’accrochage se verra renouvelé au début de l’année prochaine. Les textiles sont fragiles. Le Palais Galliera aimerait de plus renouveler son public. Tél. 00331 56 52 86 00, site www.palaisgalliera.paris.fr Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h. Réservation obligatoire sur www.billetterieparismusees.paris.fr Le système fonctionne assez bien.
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Nouveau musée parisien – Le Palais Galliera a enfin ses salles permanentes pour la mode
C’était un lieu d’expositions temporaires. Les vastes collections engrangées depuis 1920 ont amené à utiliser des sous-sols pour mettre celles-ci en valeur.