
C’est une petite exposition. Rien là que de très normal. Les œuvres exposées se révèlent le plus souvent minuscules. «Für immer Jade» propose au Museum Rietberg de Zurich les trésors de poche des collections en cette matière. Le parcours, pour autant qu’on puisse ainsi baptiser la promenade dans une seule salle du sous-sol, prend tout de même son temps. Il y a là, dans des vitrines bien sûr, quelque cent trente pièces produites entre la préhistoire chinoise et le début du XXe siècle. Le visiteur a besoin d’autant plus de temps qu’il se voit appelé à admirer des détails souvent presque invisibles. Certaines pièces bénéficient cependant de reproductions photographiques énormes aux murs. Elles viennent asseoir l’accrochage, qui flotterait autrement. L’exposition est du reste née de ces tirages monumentaux, dus à Felix Streuli.
Un travail insensé
Tout commence donc il y a environ cinq millénaires avec des disques gravés et percés d’un gros trou rond. La chose tenait alors de l’exploit logistique et technique. La pierre devait venir de loin, portée à dos d’animal ou d’homme. Elle se montrait dure et résistante. La scier et la sculpter exigeait des centaines d’heures d’un travail minutieux. Plusieurs semaines rien que pour percer la matière de bout en bout, comme l’explique la commissaire Alexandra von Przychowski. Mais comme chacun sait, dans la Chine ancienne (et à mon avis moderne) le temps et l’existence humaine ne comptent pas. Il fallait donc des foules d’artisans pour réaliser par tailles et abrasions les plaquettes utilisées pour les vivants comme pour les morts. Le jade se voit en effet souvent associé à l’immortalité. Une illusion qui a, si j’ose dire, la vie dure.

Au Xe siècle déjà, après la chute de la dynastie des Tang, les petits objets antiques sont devenus des objets de collection. Le passé commençait à se voir idéalisé en Chine. Il fallait désormais s’insérer dans une lignée créatrice et reproduire les bons modèles. Le goût des produits de fouille n’a pas empêché la création de sculptures miniatures plus élaborées (et surtout plus naturalistes) que les anciennes formules fantastiques ou géométriques. L’apothéose de cet art renouvelé, comme du reste celle de la porcelaine, se situe au XVIIIe siècle alors que régnaient Kangxi, Yongzeng et Quianlong. Le marché commercial s’est alors élargi. Jusque-là limité à la haute aristocratie, il a gagné la classe des marchands, qui pouvaient à son tour se créer de beaux ensembles. Il s’est alors aussi taillé des vases de grande taille, comme on peut en voir de superbes exemplaires à la Fondation Baur de Genève. Mais on sortirait ici du propos zurichois.
Un médecin suisse à Pékin
Alors que l’outillage se modernisait en Chine (mais lentement, au vu de certaines photos), la fascination pour le jade a gagné les Occidentaux. D’où l’actuelle collection du Rietberg, qui déborde largement sur des intérêts normalement limités aux époques très anciennes. Les pièces aujourd’hui présentées proviennent avant tout de Reinhard J.C. Hoeppli (1893-1973), qui a officié comme médecin à Pékin. L’homme y chinait, si j’ose dire, les boutiques de marchands plus ou moins spécialisés. Il a légué sa collection à la Confédération helvétique, qui l’a logiquement déposée au musée alémanique. D’autres pièces proviennent de dons, dont ceux d’Emma Streicher ou de Charlotte Holliger-Hasler. Venant de chez cette dernière, je retiendrai avant tout une merveilleuse plaque à motif de phénix du VIIe ou VIIIe siècle. Peu d’arrivées isolées, en revanche. Les jades miniatures demeurent par définition créés afin de former des ensembles.

Le tout dormait un peu lorsqu’il s’est vu réveillé en 2019 par Felix Streuli. Le photographe cherchait des objets à mettre en scène. Les mini jades, dont il s’agissait de révéler les détails, lui ont paru parfaits. D’où l’exposition actuelle, assez peu dans le goût d’un musée qui privilégiant les périodes archaïques et la sculpture de grande taille. Une illusion d’intimité ne fait pourtant pas de mal de temps en temps. La présentation, avec loupes et miroirs, possède ainsi tout pour séduire en douceur.
Pratique
«Für immer Jade», Museum Rietberg, 15, Gablerstrasse, Zurich, jusqu’au 22 janvier. Tél. 044 41 531 31, site www.rietberg.ch Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 17h.

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Exposition à Zurich – Le Rietberg présente ses jades miniatures
Il y a ans une grande salle quelque cent trente pièces, créées sur cinq mille ans. De grandes photos en révèlent les détails bien cachés.