Si l'on a beaucoup parlé des mesures en place pendant et après Covid au sein des entreprises, et sur la manière dont elles amènent à re-dessiner le cadre professionnel, un phénomène, plus profond, commence à être évoqué en Suisse. Plus profond car en lien direct avec les ressources mêmes de l'entreprise, les forces vives, celles et ceux qui permettent à tout business - quel qu'il soit - de fonctionner. Je veux bien sûr parler ici des collaboratrices et collaborateurs, qui aujourd'hui sont de plus en plus nombreuses et nombreux à prendre la décision de changer de vie professionnelle. Si ce mouvement fait parler de lui aux États-Unis sous l’appellation "Great Resignation", en Suisse nous sommes toutefois encore loin des vidéos sur divers réseaux sociaux qui font office de lettre de démission plus rocambolesques les unes que les autres. Mais cette tendance commence à s’observer chez nous aussi. Jusqu'à quel point ?
État des lieux.
Dans la grande majorité des cas, lorsqu'une personne démissionne, les causes sont identifiées : stress, épuisement professionnel, lassitude, nouveau projet etc. Mais avec le Covid, sorte d'arrêt sur image, deux choses se sont produites de manière séquentielle. Tout d'abord, en pleine pandémie, l'introspection s'est faite, nous nous sommes tous retrouvé avec plus de temps pour soi et sa famille, on a pu tester/renouer avec de nouvelles choses (hobby abandonné par faute de temps, ou enfin l’espace pour un projet qui n’avait jamais pu être concrétisé toujours faute à ce manque de temps) et, surtout, le temps de la réflexion, de l'introspection. Qu'est-ce que je veux réellement ? Quelles sont mes envies ? Comment je vois mon avenir professionnel ? Force est de constater que ce soit par choix ou par contrainte, les mesures émises pour freiner la propagation du virus ont non seulement pousser à l’introspection, mais elles ont également permis d'explorer d’autres pistes. Comme un petit coup de pied, qui permet parfois de donner l’impulsion à un grand changement.
Le retour à une certaine normalité, ne s'est toutefois pas fait sans mal. Heureux de voir les mesures se lever, renouer avec le « temps jadis », revenir au travail comme si de rien n’était a été une épreuve pour certains. Les conflit d’avant ressurgissent, de nouveaux fleurissent et au final on se rencontre que si la résilience a été de mise durant deux ans, elle l’est moins à l’heure de ce fameux retour. Pour beaucoup, et nous le voyons sur le terrain, il est désormais exclu de revenir en présentiel comme avant… le couteau change de main, le collaborateur négocie ... et est même aujourd'hui prêt à quitter son emploi si son employeur n’accède pas à sa demande.
Face à cela, les employeurs qui ne réagiraient pas prennent le risque d'aller droit dans le mur. Aujourd'hui, la question qu'ils doivent se poser est "qu'est-ce que l'on met dans le panier de la mariée ?". Autrement dit : comment être attractifs, pour non seulement garder les forces vives de notre entreprise, mais aussi pouvoir en attirer de nouvelles ? Car aux démissions en nombre, vient se greffer l'hyper-volatilité des jeunes. Dans les deux cas, c'est désormais la proactivité qui s'invite en entreprise, cet élan individuel visant à (re)prendre sa vie professionnelle en main. Lorsque l'on voit à quel point un collaborateur est aujourd'hui envié et loué lorsqu'il travaille à temps partiel (sans avoir de "justificatif" autre que celui du choix, le choix de ne pas vouloir travailler à temps plein), on comprend à quel point la notion de succès professionnel a évolué en deux ans. Aux entreprises maintenant d'opérer un virage, d'entendre les signaux, et d'adapter leurs pratiques.
Le "collaborateur roi" sera-t-il la nouvelle pièce maitresse du jeu, où les employeurs auront-ils le courage de réagir à temps pour rééquilibrer la partie ? L'avenir nous le dira.
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Relation entreprises-collaborateurs – Le manche du couteau a changé de main
De plus en plus de personnes prennent la décision de changer de vie professionnelle. Loin du mouvement américain de la «Great Resignation», la Suisse commence toutefois à observer cette tendance.