Fiscalité des entreprisesLe maintient de l’impôt anticipé attise les incompréhensions
Les Suisses ont refusé dimanche à 52% d’abolir l’impôt anticipé sur les nouvelles obligations. La gauche se réjouit de l’échec d’une réforme qui n’aurait selon elle profité qu’à quelques-uns. La droite et les milieux économiques déplorent une occasion manquée de renforcer la place économique du pays.

Ueli Maurer a regretté devant les médias des pertes fiscales pour les caisses de l’Etat et une occasion manquée pour renforcer l’économie. «Ce n’est pas un très bon signal pour les entreprises internationales», a estimé le conseiller fédéral. Aucun plan B n’est en vue. «Nous restons avec le droit actuel.»
Le «non» a été porté par les cantons romands et urbains. Avec 64% d’opposition, le Jura a mené la fronde. Il est suivi de près par Neuchâtel (61,3%), Bâle-Ville (59,5%) et Genève (58,5%).
Les Fribourgeois (56%) et les Vaudois (53,1%) sont plus retenus dans leur rejet, alors que les Valaisans (51%) n’ont enterré le projet que du bout des lèvres. Berne et Zurich se rangent également derrière les référendaires, avec 57,8% et 51,7% d’opposants.
Quelques mois seulement après avoir refusé la suppression du droit de timbre d’émission sur le capital, le peuple inflige ainsi une nouvelle défaite à Ueli Maurer. Le ministre des Finances, soutenu par la majorité bourgeoise du Parlement, plaidait pour l’abolition de l’impôt anticipé sur les nouvelles obligations.
Pour lui, cela aurait permis de rapatrier une partie du marché obligataire en terres helvétiques. Des emplois seraient créés. L’économie croîtrait. Et les recettes fiscales augmenteraient de plusieurs centaines de millions.
Une réforme «unilatérale»
Une analyse réfutée pendant la campagne par la gauche, les syndicats et même certains économistes. Une suppression d’impôt n’a jamais mené à une hausse des recettes. Les pertes seraient en revanche certaines.
La gauche s’est donc montrée soulagée de l’échec de la réforme, menée de manière beaucoup trop unilatérale, selon elle. Pour le conseiller national Samuel Bendahan (PS/VD), interrogé sur la RTS, il serait temps de faire des réformes «où tout le monde peut gagner, pas seulement les personnes les plus riches ou les grosses multinationales».
Les citoyens ont montré pour la deuxième fois cette année qu’ils en ont assez de la politique fiscale d’Ueli Maurer et des partis bourgeois, qui ne profite ni à la population, ni aux PME, se réjouissent les Vert-e-s.
Un projet complexe
La modification de la loi sur l’impôt anticipé est un projet complexe, a relevé le conseiller national Thomas Matter (UDC/ZH) sur les ondes de la radio SRF. Cela a joué un rôle décisif dans son rejet par le peuple.
L’issue serrée de la votation constitue toutefois un signe positif à ses yeux. Ces dernières années, plusieurs projets fiscaux allégeant la charge fiscale de l’économie ont été rejetés. «Mais ce dernier résultat montre que l’on prend de plus en plus conscience du fait que l’on affaiblit ainsi notre prospérité», relève M. Matter.
De leur côté, les Vert’libéraux regrettent une «occasion manquée». Le parti continuera de s’engager pour un renforcement de la place économique du pays dans le domaine du marché des capitaux étrangers.
Pour le Centre, la réforme aurait aussi profité à la population. «Rien que les économies sur les coûts d’intérêts, jusqu’à 200 millions de francs par an, auraient pu alléger les budgets de la Confédération, des cantons et des communes», relève le conseiller national Philipp Kutter (ZH).
Le camp du «non» a «réussi à faire peur avec des arguments démagogiques», déplore le conseiller national Olivier Feller (PLR/VD), interrogé par Keystone-ATS. Il cite notamment des pertes de recettes fiscales fortement grossies ou une réforme qui favoriserait soi-disant la fraude fiscale.
L’enjeu de la réforme de l’OCDE
Pour la droite, le centre et les milieux économiques, il s’agit de réussir à nouveau à montrer qu’une économie prospère est favorable au bien commun. Le prochain enjeu est maintenant celui de la mise en œuvre de la réforme fiscale de l’OCDE, fondamentale pour l’économie suisse. «Nous n’avons pas le droit d’échouer», alerte M. Feller.
Un point de vue partagé par l’Union suisse des arts et métiers (usam). La faîtière des PME regrette une occasion manquée dimanche de rapatrier des recettes fiscales en Suisse et de remédier à un désavantage lié au lieu d’implantation dans la concurrence fiscale internationale, dans la perspective de l’introduction du taux d’imposition minimal exigé par l’OCDE.
La suppression partielle de l’impôt anticipé aurait été un pas important pour maintenir l’attractivité de la place économique suisse, regrette EconomieSuisse. L’association SwissHoldings, qui réunit les 61 plus grandes entreprises de l’industrie et des services cotées en Bourse, prend acte du rejet d’un projet «qui aurait profité à toute la Suisse».
AWP
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