
Après «Pas besoin d’un dessin», qui s’est terminé le 19 juin, le Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH) va s’intéresser au temps. Un temps extrêmement long, puisque sa grande exposition d’été (si si, il y en aura une cette année!) s’intitulera «Dix milliards d’années». La durée de vie du Soleil, si j’ai bien compris. Notez que l’astre du jour brûle en ce moment la chandelle par les deux bouts. Il n’en a plus que pour cinq milliards de rotations terrestres autour de lui avant de se métamorphoser en «géante rouge». Il fera à ce moment chaud. Très chaud. Rien à voir avec les actuels dérèglements climatiques…
La course du temps
Ouverte au public le 22 juillet, l’exposition centrale évoquera à la fois le temps quantifiable et quantique. Nous serons pris entre la Genève horlogère et celle du CERN. Deux autres présentations parallèles ont déjà commencé. Des satellites, en quelque sorte. Au premier étage, le MAH accueille dans ses cabinets plusieurs séries de gravures autour de «La course du temps». Il y a les heures du jour, ou alors la pyramide des âges. Rien de bien passionnant. Je n’en parlerai donc pas. La mezzanine abrite, elle, «Passe-temps». Une réflexion sur les moments qu’il s’agit de tuer, alors même que la publicité nous prie à journée faite d’adopter des habitudes et des réflexes nouveaux faisant «gagner» de précieuses minutes. La vie serait pour la «pub» une course, qu’il s’agit bien entendu de gagner.
«Il faut bien admettre que nous développons souvent des activités vaines et répétitives, dont l’unique but semble être de nous mettre dans un état second.»
A la tête de la Maison Tavel, Alexandre Fiette se trouve à l’origine de «Passe-temps». «L’idée m’a traversé l’esprit. J’ai repris la notion d’un temps qu’il s’agirait de gaspiller afin de le faire paraître plus court. J’avais envie d’apporter un autre regard au projet.» Il s’agit là d’une vision devenue presque hérétique. «Il faut bien admettre que nous développons souvent des activités vaines et répétitives, dont l’unique but semble être de nous mettre dans un état second. Celui de l’oubli de nous-mêmes.» Faire des patiences n’aboutit à aucun résultat tangible. Les cartes finissent par se retrouver brassées. Idem pour le jeu du solitaire. «Il y a bien sûr aussi la tapisserie au petit point, qui maintient sa vogue. Elle aboutit certes à un objet ayant demandé beaucoup de travail. Mais il me semble souvent difficile de parler ici d’un accomplissement artistique.»

Beaucoup d’œuvres présentés dans les vitrines de la mezzanine nous parlent de loisirs forcés. «Je me suis beaucoup intéressé au milieu carcéral, en cherchant les pièces qui se verraient retenues et montrées dans l’exposition.» Certaines pièces tiennent ainsi du moyen de survie. «Je pense au gobelet de métal gravé par le baron de Trenck, emprisonné selon lui injustement par Frédéric II de Prusse au XVIIIe siècle. L’homme a passé des heures et des heures à créer des décors dénonçant sa condition. Le MAH possède un exemplaire de ces gobelets, devenus rarissimes.» Il y a aussi, histoire terrible, la timbale décorée de Drancy tendue en 1945 depuis un train par un rescapé des camps à une personne se trouvant sur le quai de la gare de Winterthour. L’ancien détenu voulait de l’eau. Le temps que le gobelet soit rempli un peu trop loin, et le convoi était reparti…
Pin-up et Claude François brodés
«Je présente ainsi beaucoup d’objets liés à l’Histoire. Il y a les douilles enjolivées par les soldats de la guerre de 1914. Des travaux liés à l’enfermement récoltés par le CICR.» Tout n’apparaît cependant pas aussi noir dans «Passe-temps». Il suffit de penser aux broderies, dont certaines d’un kitsch assumé constituent des prêts de particuliers. «Le parcours va ici d’une tapisserie visiblement exécutée par un amateur français de l’époque des Valois au XVIe siècle aux réalisations actuelles. Certaines broderies sont faites à partir de cartons dessinés par Aslan, connu pour ses pin-up. Il y a aussi un portrait de Claude François.» L’exposition n’entend pas porter de jugement de valeurs. «Elle ne recherche pas la qualité. Il s’agit de montrer ici l’existence et la permanence d’un phénomène.»
«L’exposition ne recherche pas la qualité. Il s’agit ici de montrer l’existence et la permanence d’un phénomène.»
«Passe-temps» présente à part cela des jeux, souvent liés à l’aléatoire. «Il y a également les cartes destinées à la divination, comme celles des tarots. Là, nous sortons de la litanie pour entrer dans le pari sur le futur.» On pourrait dire, si l’on croit peu aux signes, qu’il s’agit également là d’une régression consentie. Surtout si les tarots, de Marseille ou non, se voient indéfiniment répétés…Peut-on vraiment refaire l’avenir tous les jours?
Céramique à l’automne
Pour Alexandre Fiette, il s’agit d’une petite exposition avant celle, plus importante, prévue en septembre à la Maison Tavel. «Il y aura alors à Genève le Congrès international de céramique, qui se tiendra à l’Ariana.» Diverses présentations se voient envisagées dans ce cadre, du château de Nyon au Parcours biennal de Carouge. «Nous présenterons des tuiles et des carreaux de poêle que l’on ne regarde jamais. Je les trouve pourtant très intéressants.» La Maison Tavel devrait par ailleurs inverser son parcours. Les salles en sous-sol accueilleraient une partie des espaces permanents, tandis que le premier étage se verrait réservé aux présentations temporaires. «On peut admettre que la restauration des années 1970, pratiquée selon les préceptes de l’époque, fait aujourd’hui partie de l’historique du bâtiment. Il nous faut l’assumer.»
Pratique
«Passe-temps», Musée d’art et d’histoire (MAH), 2, rue Charles-Galland, Genève, jusqu’au 28 août. Tél. 022 418 26 00, site www.mah.mah.ch Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h. Jusqu’à 21h le jeudi.
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Exposition à Genève – Le MAH tue les heures creuses avec «Passe-temps»
La présentation se situera en marge de la nouba de l’été genevois. Il s’agit de «Dix milliards d’années». On peut déjà la visiter sur une mezzanine.