
Il y a deux ou trois ans, la direction du Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH) a décidé de tailler dans les salles jusque-là dévolues à l’histoire de la peinture au premier étage. La plus vaste d’entre elles est ainsi allée aux expositions temporaires. Un choix bien dans l’air du temps. Plusieurs manifestations d’envergure modeste se sont ainsi succédé depuis. Parfois pour le meilleur, comme la présentation en deux mi-temps des «surimono» japonais du XIXe siècle appartenant au Cabinet des arts graphiques. Souvent pour ce que je qualifierai d’une «honnête moyenne». Cela a notamment été le cas lors d’une présentation de toiles, en majorité genevoises, sur l’enfance ou lors d’un cours d’histoire grecque moderne autour des figures de Jean-Gabriel Eynard et Giovanni Capodistria. Il faut préciser que ces accrochages sont réalisés avec de petits moyens financiers. Comme beaucoup de vieux Genevois, le MAH aime à entonner l’air de la pauvreté, voire de la misère, alors que sa dotation apparaît richissime.
Réserves exploitées
Aujourd’hui, c’est «La montagne en perspective» qui occupe cet espace secondaire en haut sous les toits. Notons que cette situation en altitude pourrait nous mettre dans une ambiance alpestre. Les deux commissaires, Mayte Garcia et Sylvie Aballéa, ont cependant décidé de faire voir les choses sous différents points de vue, comme dans un tableau cubiste. Il y a «De loin», «De près» et «De dessous». Le dessus n’a apparemment pas été pris en compte en dépit des images aériennes. Autant dire que le regard se retrouve un peu chahuté. Un peu seulement. Difficile en effet d’innover en la matière. Les Alpes ont été surtraitées en matière d’expositions. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, qui passe cependant pour taper dur en Valais. Un canton favorisé par la plupart des artistes ici envisagés.

Après quelques autoportraits et portraits de peintre, d’Alexandre Calame à Daniel Baud-Bovy en passant par Barthélémy Menn et Ferdinand Hodler, les huiles pour la plupart tirées des réserves du MAH se suivent et parfois se ressemblent. Il y a aux cimaises des noms sombrant depuis plusieurs décennies gentiment dans l’oubli. Ils vont des Lugardon père et fils, qui sont pourtant de bons peintres, à Edmond Bille en passant par la tribu des Van Muyden. Cela fait là beaucoup de créations honorables, certes, mais tout de même un peu ternes. La publicité de l’exposition a favorisé «Les coupeuses d’herbe» du quasi inconnu Louis Patru. Une composition tout en hauteur que je qualifierai de photogénique. Elle fait nettement plus d’effet en reproduction qu’en réalité. Mais dans le fond, peu importe. Vu le sujet, il s’agit bien entendu d’un sujet féministe. «Elles sont fières.»
«Elles sont fières.»
Presque sans texte, le parcours comprend aussi des œuvres contemporaines, comme une demi-douzaine de minuscules aquarelles de Michel Grillet. Il y a également des photos et un peu de documentation. Au centre de la salle se trouve un étonnant meuble en forme de commode daté de 1829. Soulevé, son plateau révèle un panorama en haut-relief du Simplon. On trouve vraiment de tout au Musée d’art et d’histoire, comme naguère dans certains grands magasins! Le parcours se termine avec une vidéo, qui est en fait une animation de photographies. La Valaisanne Laurence Bonvin montre en images la rapide fonte actuelle des glaciers. Le visiteur découvre la chose «De dessous», ce qui ne veut pas forcément dire qu’il soit en dessous de tout.
Service minimum
L’ensemble ne s’en révèle pas moins pauvret. Il l’est sur le plan des œuvres, qui laissent pour la plupart le public sur sa faim. Il l’est surtout sur le plan des idées. Il n’y a rien là qui puisse nourrir l’esprit. Mayte Garcia et Sylvie Aballéa, qui terminent au MAH une carrière en pointillé, semblent avoir fourni le service minimum. On leur a demandé de garnir des mètres carrés. Elles l’ont fait. Ce sera vite vu, vite oublié. Peu importe. L’institution donne ainsi une impression un peu brouillonne de dynamisme et d’activité. Il y a du reste parallèlement une exposition sur les billets de banque et une autre sur le dessin d’illustration intitulée «Les maîtres de l’imaginaire». Il faudra que je vous en parle une fois. Mais je vous rassure tout de suite. L’imagination n’est pas ici non plus au pouvoir.
P.S. En fait, l’Ecole genevoise n’est pas oubliée de tout le monde. En 2023-2024 doit ouvrir à Jussy un nouveau musée privé qui lui sera entièrement consacré.
Pratique
«La montagne en perspective», Musée d’art et d’histoire, 2, rue Charles-Galland, Genève, jusqu’au 12 février 2023. Tél. 022 418 26 00, site www.institutions.ville-geneve.ch Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h, le jeudi jusqu’à 21h.
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Exposition à Genève – Le MAH nous met «La montagne en perspective»
Cette présentation la regarde «de loin», «de près» et «de dessous». Pas de quoi révolutionner l’histoire de l’art! C’est au mieux gentillet.