
Un magnifique Bouddha de pierre du IIe siècle introduit sourire aux lèvres le visiteur dans l’exposition. Nous ne sommes pas au Musée Guimet de Paris, comme le voudrait la logique, mais au Louvre. Pour une exposition aussi diplomatique, un lieu iconique s’imposait. L’emplacement flatte la république d’Ouzbékistan, dont provient la majorité des quelque 200 pièces présentées jusqu’en mars 2023 dans la Petite Galerie. Il s’agit de célébrer deux mille ans de cultures qui se sont succédé dans ses oasis. Davantage même si l’on regarde de près le premier objet, proprement fascinant. Deux serpents se tortillent sur une plaque minérale formant une anse. Cet objet présenté en préambule remonte au IIIe millénaire av. J.-C.
Un lieu de prestige
Proposée par Yannick Lintz, qui vient de reprendre le poste de directrice de Guimet abruptement quitté par Sophie Makariou, l’exposition s’appuie en fait sur le savoir de l’archéologie Rocco Rante, qui fouille en Ouzbékistan depuis 2009. Il y a beaucoup à mettre à jour dans ce pays né de la décomposition de l’URSS il y a maintenant trente ans. Les musées semblent du reste fleurir tant sur les sites eux-mêmes que dans la capitale Tachkent, qui compte tout de même trois millions d’habitants. Les collisions de religions ne paraissent pas trop poser de problème dans cet état autoritaire qui voit d’un aussi mauvais œil les islamistes installés au sud que les Russes ou même ses voisins dont les noms se terminent en «stan». Il faut dire qu’avant l’arrivée de l’islam au VIIe siècle ont ici fleuri non seulement le bouddhisme, mais le christianisme, un brin de judaïsme, le manichéisme et le culte zoroastrien. Ces cultures, nous dit-on, vivaient en paix. Mais c’est sans doute là faire preuve d’angélisme.

Rectiligne puisqu’il s’agit d’une galerie, le parcours va nous faire défiler ces civilisations au pas de course. Il fallait laisser libre le mur du fond afin de projeter un film sur Boukhara et Sarmarcande, dont les mosquées recouvertes de faïences colorées font rêver. L’Ouzbékistan entend bien développer son tourisme, porteur de devises. La place reste donc comptée dans ce boyau qui servit, au temps où le Louvre se voyait dirigé par Jean-Luc Martinez d’endroit d’initiation aux arts pour les enfants. La magnifique statue de terre crue d’un prince Kouchan du Ier siècle se retrouve ainsi coincée dans une vitrine non loin d’une partie d’un trésor d’ors antiques ne pesant pas moins de trente-cinq kilos. La fresque détachée d’un motif d’éléphant tracée vers 730 se distingue mal des deux petits films montrant in situ le complexe architectural de Varakhsha. Plus loin, il faut de bons yeux pour détailler les miniatures musulmanes prêtées non par les Ouzbeks, mais par la Bibliothèque nationale voisine.

Rien ne se voit évidemment dit que la situation actuelle de l’Ouzbékistan, où les violations des libertés les plus élémentaires sont longtemps demeurées monnaie courante. Il paraît que cela va un peu mieux depuis quelques années. N’empêche que comme toujours dans ces cas-là, la France s’acoquine avec une dictature, alors que son président n’en finit plus de parler des Droits de l’Homme. Cela dit, je suis ravi d’avoir visité l’exposition faute de me rendre à Sarmarcande. Le monde est comme cela plein de contradictions…
Pratique
«Splendeurs des oasis d’Ouzbékistan», Louvre, rue de Rivoli, Paris, jusqu’au 6 mars 2023. Tél. 00331 40 20 50 50, site www.louvre.fr Ouvert tous les jours, sauf mardi, de 9h à 18h. Le vendredi jusqu’à 21h45. Réservation quasi indispensable.
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Exposition à Paris – Le Louvre parcourt les oasis d’Ouzbékistan
Cette exposition très diplomatique permet de découvrir les richesses des musées de Tachkent et d’ailleurs. Le parcours traverse deux millénaires.