
On dit qu’en mai, on a le droit de faire ce qui nous plaît. Sauf qu’en ce moment, dans les marchés financiers, nous avons de la peine à trouver ce qui nous plaît ou même ce qui nous intéresse vraiment. Nous nous trouvons dans un tunnel dont on n’aperçoit même pas le bout et les questions que nous nous posons restent les mêmes encore et encore. Elles sont peut-être juste un peu plus insistantes et entêtantes. Mais une chose est certaine; la chasse aux réponses est toujours ouverte et les «experts» en finance sont de plus en plus paumés sur leurs prévisions.
Joli mois de mai
Le mois de mai avait pourtant bien commencé. La FED avait décidé de se mettre en pause et de ne plus monter les taux jusqu’à nouvel ordre. Sachant que le «nouvel ordre» pouvait être déclenché par le moindre chiffre économique un peu suspicieux. Le patron de la FED, Jerome Powell, a donc décidé de mettre la pédale douce, ce qui a clairement soulagé les investisseurs qui en avaient un peu gros sur la patate après une série 10 hausses de taux consécutives, et pas des moindres. Alors bien évidemment, lorsque l’on fait des cadeaux à Wall Street et que vous leur tendez la main, non seulement ils vous la prennent, mais en plus ils vous arrachent le bras et l’épaule.
Dès les premiers mots du discours de Monsieur Powell, les intervenants se sont donc automatiquement autoconvaincus que si la FED ne montait plus les taux (momentanément), le prochain mouvement se ferait forcément en direction de la baisse. Sauf qu’ils n’avaient visiblement pas écouté le discours jusqu’au bout, puisque s’il y a une chose sur laquelle le président de la FED avait été clair, c’est sur le fait qu’il n’y aurait pas de baisse des taux avant 2024. Sauf que nous, dans le monde merveilleux de la finance, nous avons cette capacité de penser que l’on sait bien évidemment mieux que les gens qui sont en charge des dossiers.
Un espoir
Les premiers jours de mai ont donc donné lieu à une lueur d’espoir – si l’on partait du principe qu’il valait mieux ne pas écouter Powell. Une lueur d’espoir qui laisserait supposer que d’ici cet automne, vu que c’est la saison de la récession, on pourrait voir les taux baisser, même si Powell dit le contraire. Il y a d’ailleurs déjà des experts qui se sont lâchés sur le sujet, puisqu’on nous a même sorti un calendrier des baisses de taux à venir et un objectif à 3% pour fin 2024. Ce monde est indubitablement fantastique, puisque personne ne pourra jamais vous dire où va aller le marché ce soir. Mais en revanche, ils sont capables de vous faire des prévisions sur vingt mois alors que même un météorologue n’aurait pas osé.
«C’est un peu l’histoire de «Pierre et le loup»; à force d’appeler au secours pour rien du tout, plus personne ne vient.»
Mais les espoirs de baisse des taux auront vite été oubliés, puisque le plafond de la dette a resurgi dans les jours suivirent. Car oui, vous l’aurez compris, le Républicains et les Démocrates n’ont pas réussi à se mettre d’accord et à voir les prix des assurances contre le défaut de la dette, ça ne laisse rien augurer de bon.
Si défaut il y a?
La question devient donc obsessionnelle. Depuis quelques mois, on sentait bien qu’un éventuel défaut de paiement du gouvernement américain pouvait devenir quelque chose de préoccupant. Sauf que comme c’est la 74e fois que l’on se retrouve dans cette situation et qu’à chaque fois on trouve une solution de dernière minute, digne des meilleurs romans d’Agatha Christie, plus personne ne veut vraiment y croire. C’est un peu l’histoire de «Pierre et le loup»; à force d’appeler au secours pour rien du tout, plus personne ne vient. Plus personne n’écoute et plus personne n’a peur.
Les meilleurs analystes de Wall Street s’étaient même mis d’accord pour dire que l’on pourrait faire traîner l’histoire jusqu’en septembre en faisant les fonds de tiroir. Sauf que la Secrétaire du Trésor, Madame Yellen, a estimé que la date d’un éventuel défaut de la dette américaine pourrait se situer quelque part en juin. Le compte à rebours est donc lancé. Nous voici donc en train de refaire nos calculs pour savoir ce que ça coûterait si les politiciens ne se mettent pas d’accord et chaque jour qui passe fait monter un peu le stress. Et pour être franc, après avoir mis l’inflation sous contrôle en dix mois, on se passerait bien de tester en live ce que pourrait donner une Amérique en défaut de paiement.
*CIO Merion Swiss Partners
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La finance décomplexée – Le côté obscur des marchés