L’art est un marketing
Les mondes de l’art et du luxe n’ont jamais été aussi intimement liés, provoquant une perméabilité toujours plus importante entre création de valeur et création artistique. Véritable stratégie financière d’entreprise, l’artketing n’est pas un phénomène récent. Il s’explique par l’appropriation de l’art par une marque à des fins marketing dans une recherche de valorisation réciproque.
Omniprésents, les titans du monde du luxe, dont le but premier est la rentabilité financière par des relais de croissance toujours plus diversifiés, sont désormais des acteurs pleinement ancrés dans l’univers artistique. La culture est utilisée comme arme de différenciation, en témoigne la dernière édition de la Biennale de Venise. De la maison Dior comme donateur principal à Burberry, sponsor du pavillon britannique, Valentino pour le pavillon italien, c’était sans compter sur la présence du géant français Chanel avec le lancement de son prix culturel Chanel Next Prize.
«La valeur de l’art étant subjective et sans limite, l’associer au luxe permet de justifier des plus-values, tout en soulignant son côté inaccessible et unique.»
Ces dernières années ont vu se succéder un foisonnement de collaborations – Damien Hirst et Alexander McQueen, Takashi Murakami et Louis Vuitton –, de mécénats d’artiste, de financements de fondations – Louis Vuitton, Cartier, Prada, Fendi –, ainsi que de parrainages des foires et des expositions. L’association au monde de l’art est une stratégie pour retrouver les attributs premiers du monde du luxe, victime d’une vulgarisation – vue comme préjudiciable – due à la mondialisation du secteur. L’artketing s’avère efficace face aux défis que présente l’accroissement constant de l’offre, assujettissant les logiques commerciales de consommation, tout en travaillant sur l’engagement du consommateur.
La valeur de l’art étant subjective et sans limite, l’associer au luxe permet de justifier des plus-values, tout en soulignant son côté inaccessible et unique. Kusama, Koons ou Kaws, les artistes contemporains sont tout autant des marques utilisées comme outil de communication du fait de leur statut d’influenceurs, de créateurs de contenus et de prescripteurs d’opinion. La majorité du produit des ventes mondiales de l’art provient de ces happy few et le luxe capitalise sur ce segment de marché.
Art et luxe, valeurs refuges
Preuve en est le succès de la collection homme Dior printemps/été 2021, réalisée en collaboration avec l’artiste ghanéen Amoako Boafo. Dans une logique commerciale de cibler les œuvres les plus vendues de l’artiste, alors dominées par la couleur jaune, Dior a sorti un pull à col roulé jaune avec un des portraits du peintre, rapidement devenu l’une des pièces signatures. Réciprocité gagnante de cette collaboration ou point de basculement pour l’artiste? Quoi qu’il en soit, les tableaux à dominance jaune de Boafo changent désormais de main pour des prix à sept chiffres, dont Hands Up (2018), vendue en décembre 2021 chez Christie’s pour un prix record de plus de 3 millions de dollars.
L’art étant devenu un actif financier mondialisé comme un autre, l’artketing a de beaux jours devant lui. Malgré la différence de taille des parts de marché respectives, soit 65,1 milliards de dollars en 2021 pour le marché de l’art contre presque 300 milliards pour le luxe, les deux secteurs restent des valeurs refuges, indifférents au climat économique et politique, comme à la saturation des marchés, rendant cette proximité encore plus attractive sur fond d’une crise économique. Cependant, afin de ne pas tomber dans le consumérisme pur, une prise de position sur des questions sociales, politiques et écologiques est de mise, au risque de perdre en authenticité.

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