
Entourée d’un bout de parc, la Villa Bernaconi (et non Berlusconi, comme je l’ai écrit une fois…) se met assez logiquement au vert. L’institution phare de Lancy, qui est devenue une ville autonome aux portes de Genève, propose ainsi son «Atlas arboricole». Commissaire invitée, Véronique Mauron Layaz a réuni pour cela vingt-cinq artistes suisses, ou travaillant dans notre pays. Ne soyons ni sectaires, ni racistes! Il s’agit comme il se doit d’une «proposition» de sa part. Autant dire que les visiteurs sont en droit de l’accepter comme de la refuser. Il est aussi permis d’en retenir des éléments pour en rejeter d’autres. Une exposition se juge toujours par rapport à soi.
Une maison repeinte en rouge
Longtemps en travaux, la Villa a discrètement rouvert en 2021. Construite en 1828 pour la famille Soret, elle se situe aujourd’hui dans ce que l’on appelle pudiquement un «espace urbain fortement dégradé». L’édifice fait partie des restes de l’ancien village qui ont survécu à une marée de constructions modernes ressemblant autant à de l’architecture qu’une boîte de raviolis bas de gamme à de la gastronomie. La restauration s’est réalisée à grands frais. Lancy dispose de trop d’argent qu’il s’agit non pas de blanchir, mais de recycler parfois dans la culture. La jolie maison s’est ainsi vue pourvue d’un immense sous-sol, creusé à coups de millions afin de créer un lieu d’exposition supplémentaire. On se croirait ici dans un vrai musée. Tout s’y est ailleurs vu remis à neuf. Et les façades ont été repeintes d’un rouge affirmé hésitant entre le bordeaux et l’aubergine. Je parlerai donc d’aubergine bordelaise.

La place ne manque donc pas sur un étage enterré et trois au-dessus du sol. Véronique Mauron Layaz a donc pu installer de grandes pièces, entourées de beaucoup de vide. Il s’agit pour elle d’évoquer (ou d’invoquer) l’arbre sous toutes ses formes, la plus intellectuelle étant sous les combles l’arborescence informatique. Le public se retrouve tantôt proche du produit brut avec du tronc et des branchages, tantôt parmi les spéculations intellectuelles. Toutes les formes et toutes les techniques ont par ailleurs trouvé place. Il y a un monde entre les vidéos, devenues quasi préhistoriques, que le Vaudois Jean Otth réalisait dans les années 1970 et l’admirable panorama de sous-bois exécuté à l’ancienne exécuté en 2018 par le Genevois Jean-François Luthy à l’encre et au pinceau. Et une éternité intellectuelle sépare l’olivier millénaire photographié en noir- blanc par Jaques Berthet et le lettrage vinyle installé in situ (là au moins les mots restent en latin!) par Charlotte Schaer.
«Bosquets» et «solitaires»
La commissaire a classé les œuvres selon des catégories de commodité tenant du tiroir de rangement. Il y a «les bosquets», «les solitaires», «le bois» ou «la forêt». Nous ne nous trouvons pas dans une exposition chronologique, comme c’est le cas avec la belle présentation du Landesmuseum de Zurich «Im Wald», dont je viens de vous parler. Il s’agit finalement davantage ici de refléter l’art «national» contemporain, d’Emmanuelle Antille à Andrea Gabutti et de Didier Rittener à Tito Honegger. J’ai pensé au travail mené par le Kunsthaus d’Aarau ou à une présentation de sculpture périodique comme la triennale Bex & Arts. Les Suisses défendent d’une manière générale mieux leurs artistes que les Français, obsédés par la scène internationale. Il faut dire que le «cheptel» actuel se révèle riche et varié. Vous ne retrouverez donc à Lancy ni Ugo Rondinone, ni Julian Charrière, montrés en vedettes dans le cadre d’«Im Wald».

La présentation tient solidement la rampe. Eclectique, elle comporte du coup des pièces que chacun des visiteurs aimera et détestera. C’est la règle du «je» de Véronique Mauron Layaz. C’est d’une manière plus générale celle du jeu. Son point noir en est à mon humble avis l’absence de cartels. Une politique de la Villa Bernasconi. Dépourvu de boussole, le public doit ainsi tourner ses feuilles de salle dans tous les sens pour savoir qui a fait quoi. Son attention se détourne des œuvres pour se porter sur les pages de son peu lisible vade-mecum. Il lui faut du coup lire un peu de ces textes alambiqués semblant aujourd’hui consubstantiels à l’art contemporain. Sachez ainsi que les tiges métalliques et plastiques récupérées par Eric Hattan dans des chantiers «déjouent la naturalité». Quel charabia! De qui se moque-t-on à une époque où il s’agit de réconcilier les amateurs les plus frileux avec la création contemporaine?
Pratique
«Atlas arboricole», Villa Bernasconi, 8, route du Grand-Lancy, jusqu’au 24 juillet. Tél. 022 706 16 06, site www.villabenasconi.ch Ouvert du mercredi au dimanche de 14h à 18h. Entrée libre.
Né en 1948, Etienne Dumont a fait à Genève des études qui lui ont été peu utiles. Latin, grec, droit. Juriste raté, il a bifurqué vers le journalisme. Le plus souvent aux rubriques culturelles, il a travaillé de mars 1974 à mai 2013 à la "Tribune de Genève", en commençant par parler de cinéma. Sont ensuite venus les beaux-arts et les livres. A part ça, comme vous pouvez le voir, rien à signaler.
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Art contemporain – La Villa Bernasconi célèbre les arbres à Lancy
Vingt-cinq artistes suisses contemporains dialoguent sur le thème du bois, de la forêt ou encore de l’arborescence. Une expérience plutôt réussie.