
FIV. Trois lettres qui disent tellement peu des montagnes à soulever pour les couples se lançant dans un parcours de fertilité. Ceux qui ont la chance de pouvoir procréer naturellement ignorent tout des bleus au ventre laissés par les piqûres d’hormones, du nombre incalculable d’analyses volant la pudeur des corps, de la tristesse des grands espoirs déçus.
Les «parents d’intention», comme on les appelle dans une novlangue policée, se divisent en plusieurs catégories. Ceux formant un couple hétérosexuel aux revenus confortables pourront s’offrir le luxe de débourser au minimum 10’000 francs pour concevoir leur bébé miracle en Suisse. Les moins aisés, les couples homosexuels et les célibataires, doivent quant à eux prendre l’avion pour réaliser leur rêve de devenir parents.
Plusieurs données dictent le choix de la destination. Le budget bien sûr, mais aussi la législation plus ou moins souple des pays, notamment sur la question de l’ouverture des procédures aux couples du même sexe. Passé ces critères éliminatoires, les futurs parents se retrouvent face à une offre pléthorique de cliniques tchèques, espagnoles ou grecques promettant toutes les dernières techniques de pointe et des taux de réussites stratosphériques. Le tout est présenté dans un emballage rose bonbon parsemé de photos de beaux bébés lovés dans les bras de parents souriants.
«Sur le plan purement émotionnel, un remboursement, même partiel, des tentatives de FIV représenterait, au-delà de l’appui financier, une reconnaissance sociétale des difficultés de ces couples.»
L’échec n’a pas sa place dans les stratégies marketing, mais il fait bel et bien partie d’un parcours d’infertilité. Et sans enterrer l’optimisme - les techniques ne cessent effectivement de s’améliorer - les belles promesses des cliniques ne devraient pas occulter l’aspect plus brutal d’un tel parcours.
On assiste là à un mélange des genres qui fait office de double peine. Dans un monde idéal, l’accès à la parentalité ne devrait pas être une question d’argent. Et si la question ne concernait que quelques amoureux malheureux il y a quelques années encore, elle se transforme désormais en véritable phénomène de société. Selon les derniers chiffres de l’OMS publiés début avril, 17,5% de la population adulte est aujourd’hui confrontée à des problèmes de fertilité.
Malgré tout, la Suisse est longtemps restée d’une étonnante inertie face à ces questions. L’assurance de base ne rembourse que trois inséminations artificielles, une pratique dont le taux de réussite ne dépasse pas les 14% en moyenne par essai. Passé ces tentatives, le couple est ramené à sa solitude.
Grande nouvelle, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) examine actuellement la demande de la Société Suisse de Médecine de la Reproduction (SSMR) de reconsidérer la question du remboursement de la FIV. Les gynécologues se montrent très discrets sur la question et ne livrent guère de détails sur la procédure en cours. À l’heure de l’augmentation des coûts de la santé et des primes maladie, le succès de la démarche est loin d’être garanti. Des oppositions ne sont pas à exclure, en particulier du côté majoritaire de la Sarine, où l’on a davantage tendance à penser que l’État n’a pas à intervenir dans des questions qui relèvent de la sphère privée.
Il faudra malgré tout savamment peser le pour et le contre, en mettant notamment dans la balance le vieillissement galopant de la population et le financement de l’AVS. Sur le plan purement émotionnel, un remboursement, même partiel, des tentatives de FIV représenterait, au-delà de l’appui financier, une reconnaissance sociétale des difficultés de ces couples. Il faciliterait en outre un parcours déjà assez difficile, sans qu’il faille le vivre dans une autre langue, à plusieurs milliers de kilomètres de chez soi.
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Éditorial – La double peine de la procréation assistée