Rencontre avec Adèle Thorens Goumaz«La dimension stratégique de la gouvernance est ce qui m’intéresse le plus»
Parce que plus d’égalité hommes-femmes c’est aussi plus de femmes dans les instances représentatives et dirigeantes, Femmes Leaders by Bilan vous propose chaque mois une rencontre avec une femme membre d’un conseil d’administration. De quoi inspirer de nouvelles candidatures? Un texte réalisé en partenariat avec le Cercle Suisse des Administratrices.

Cette semaine rencontre avec Adèle Thorens Goumaz, administratrice indépendante au Swiss Center for Design and Health (SCDH) et membre des conseils consultatifs de Economic and Business Forum (BLab), TA-Swiss (Technology Assessment), Living Labs for Decarbonisation of Energy (HES -SO) et Ethix (Lab for Innovation Ethics). Elle a été conseillère nationale de 2007 à 2019, puis conseillère aux États dès 2019.
Je suis éthicienne et politologue de formation, avec en point fort la gestion durable des ressources. En tant que politicienne, je me suis spécialisée dans les domaines de l’économie circulaire, de l’énergie et plus globalement de la transition écologique de l’économie. Cela répond aujourd’hui à un besoin des entreprises.
Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans cette fonction?
La dimension stratégique de la gouvernance est ce qui m’intéresse le plus. J’aime faire de la prospective, évaluer les risques et analyser l’évolution des conditions-cadres, qu’elles soient économiques ou politiques. Et j’aime chercher des solutions concrètes aux différents problèmes qui peuvent se poser.
«La manière dont on peut réaliser la transition écologique me passionne»
La manière dont on peut réaliser la transition écologique, en tenant compte des divers impacts de l’entreprise, des contraintes auxquelles elle est soumise, et de son modèle d’affaire, me passionne. C’est aussi très motivant pour moi, car les entreprises sont souvent plus rapides et efficaces que la politique, une fois que la décision de principe en matière de durabilité est prise.
Quelles sont les compétences clés et la valeur ajoutée que vous apportez au CA?
Mes compétences dans le domaine de l’économie circulaire, de la transition énergétique et de la durabilité sont probablement la première chose que les entreprises qui me sollicitent recherchent.
Mon parcours politique m’a en outre appris à analyser rapidement les enjeux, à gérer des situations de crise, ou encore à communiquer efficacement, entre autres avec les médias. J’ai aussi l’habitude de travailler avec différents acteurs, ayant souvent des intérêts divergents, pour trouver des compromis qui permettent d’avancer.
«En politique, vous devez être capable de prendre des décisions rapidement, dans des contextes complexes et instables, puis de les assumer. C’est aussi nécessaire dans une entreprise.»
Pour ce qui concerne le SCDH, qui est une SA proche du monde académique et active à l’interface entre la recherche, la formation, l’innovation et l’économie, ils cherchaient une femme romande, avec un vaste réseau, ainsi que des compétences stratégiques en matière de développement durable et de communication. Nous nous sommes bien trouvés.
Quelles sont les difficultés de cette fonction, les défis que vous avez rencontrés?
Il est important de bien distinguer les rôles entre le conseil d’administration et la direction opérationnelle. Mon expérience m’a montré que ce n’était pas toujours une évidence et que la bonne collaboration entre ces deux organes, chacun restant à son niveau de responsabilité et de compétence, était essentielle.
Je trouve aussi très important d’impliquer toutes les parties prenantes dans les réflexions stratégiques. Cela prend certes du temps et de l’énergie, mais cela rend les décisions qui s’ensuivent plus solides.
«En tant que femmes, on nous sollicite dans une perspective de diversité, mais cela ne suffit évidemment pas»
Quelle est votre meilleure bonne pratique en termes d’obtention de mandat dans les CA?
Le réseau est central. Je n’ai jamais postulé formellement pour les mandats que j’ai obtenus: on est venu me chercher. Je pense qu’il est aussi important d’avoir un profil de compétences clair, avec un ou deux points forts spécifiques.
En tant que femmes, on nous sollicite dans une perspective de diversité, mais cela ne suffit évidemment pas. Il faut pouvoir répondre à d’autres besoins de l’entreprise et apporter des compétences qui complètent celles dont le conseil d’administration dispose déjà.
Quelles sont les grandes préoccupations actuelles des organes stratégiques des entreprises?
Le contexte actuel est très instable et évolue vite, ne serait-ce qu’au niveau géopolitique ou encore fiscal. La transition numérique, qui représente à la fois des opportunités et des risques, y compris pour la gestion durable des ressources, est certainement une préoccupation majeure.
«L’opinion publique est sans pitié pour le greenwashing»
Enfin, en matière de durabilité, les entreprises sont confrontées à de fortes pressions, entre l’évolution rapide des bases légales, les exigences des investisseurs, celles des consommateurs, et enfin des demandes inédites de la part des collaborateurs. La nouvelle génération cherche désormais du sens dans ses activités professionnelles. L’opinion publique est en outre sans pitié face au greenwashing. Les entreprises n’ont pas droit à l’erreur dans ce domaine et en matière d’éthique, à l’heure où un «bad buzz» peut se développer très vite grâce aux réseaux sociaux. Elles doivent veiller à protéger leur réputation en étant cohérentes.
Que manque-t-il pour que les CA d’entreprises suisses comptent davantage de femmes?
Notre cadre législatif pourrait être beaucoup plus incitatif, évidemment, la Suisse est bien timide en la matière, et cela se ressent sur le terrain. Je pense que la conscience des apports de la diversité pour les organes dirigeants des entreprises est encore peu avancée dans beaucoup de conseils d’administration, en particulier dans les PME.
Les entreprises actives au niveau international sont plus nombreuses à avoir réalisé que c’était au contraire un avantage pour la compétitivité et l’impact positif de l’entreprise, que de pouvoir compter aussi sur des femmes.
Le travail de sensibilisation d’organisations comme le Cercle suisse des administratrices est d’autant plus précieux. Il y a tant de femmes compétentes, il est regrettable que leur potentiel ne soit pas mieux exploité dans notre économie.
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