Marketing numériqueLa difficile cohabitation des influenceurs et de la guerre sur les réseaux
Face à l’omniprésence du conflit ukrainien sur les réseaux sociaux, les influenceurs peinent parfois à trouver leur place. Entre prises de position et «business as usual», les deux stars genevoises Elvira et Charles Legrand se confient sur leur entreprise.

Voilà deux semaines que la guerre en Ukraine a explosé. Voilà deux semaines que les influenceurs ne savent plus toujours sur quel pied danser. Sur les réseaux sociaux, les images, analyses, prises de position et autres posts plus ou moins sérieux liés au conflit jouent les têtes d’affiche – 7,21 millions d’occurrences pour la mention #russiaukraine sur Instagram. À côté, les publications promotionnelles des spécialistes du marketing en ligne semblent parfois maladroites, voire déplacées.
Elvira et Charles Legrand, couple d’influenceurs «lifestyle» genevois – 781’000 followers à eux deux –, n’ont pas suivi la malheureuse affaire. Il n’empêche, le sujet les concerne et les intéresse. Pour «Bilan», ils se livrent sur la place de leur métier, dans un contexte extrêmement délicat.
Au moment où les réseaux sociaux se faisaient les échos des premières attaques, qu’étiez-vous en train de poster sur Instagram?
Elvira: La nuit de l’attaque, nous avons participé à un événement sponsorisé. Au réveil le lendemain, nous avons découvert sur les réseaux ce qui était en train de se passer en Ukraine. Tout de suite, nous avons décidé de repousser les publications relatives à la soirée. Ensuite, j’ai posté toute la journée sur l’Ukraine. J’ai condamné la politique du président Poutine et me suis expliquée auprès de ma communauté. Surtout que j’ai des amies très proches dans le pays et que je suis d’origine russe. Ce jour-là, j’ai perdu 1000 abonnés environ.
«Après les premières attaques, la plupart des influenceurs «mode» avaient rendez-vous à la Fashion Week de Paris.»
Une position que vous avez tenue le temps d’une journée avant de revenir à votre quotidien d’influenceur?
Elvira: Il faut savoir que quelques jours après les premières attaques, la plupart des influenceurs «mode» avaient rendez-vous à la Fashion Week de Paris – l’événement a débuté le 28 février. C’est un peu un passage obligé dans le milieu. Là, il y avait forcément un peu de gêne et cette impression de ne pas vraiment savoir où est sa place. C’est compliqué de communiquer sur le monde du luxe quand les réseaux se font le relais d’une guerre. Pour Charles et moi, ça a été plus facile, puisque nous étions là à titre privé et que nous n’étions sous contrat avec aucune marque – ils ont depuis posté sur leur passage à Paris. Tout le contraire de certains collègues qui étaient tenus de communiquer sur l’événement.
Vous maîtrisez l’art de la communication réseau. Selon vous, quelle est la meilleure position à tenir dans ces circonstances?
Charles: Les réseaux sociaux et Instagram sont devenus des lieux privilégiés pour défendre des causes, prendre position, dénoncer. Et, en même temps, la plateforme reste le royaume de la consommation et du divertissement. Je pense que le pire serait de s’improviser ce qu’on n’est pas, et de se lancer dans une analyse géopolitique qu’on ne maîtrise pas. Avec Elvira, nous avons fait appel à nos communautés pour leur demander de nous partager des initiatives intéressantes pour venir en aide aux Ukrainiens et nous les avons communiquées en story.
«Quand on annonce quelque chose, on s’adresse à l’équivalent d’un stade. J’imagine que ça vient avec certaines responsabilités.»
On a l’impression que les influenceurs sont devenus des personnages publics qui doivent, de facto, prendre position. Est-ce qu’on leur en demande trop?
Charles: On l’oublie parfois, mais en ce qui nous concerne, la moindre de nos publications est vue par plus de 40’000 personnes. Quand on annonce quelque chose, on s’adresse à l’équivalent d’un stade. J’imagine que ça vient avec certaines responsabilités. Mais il faut faire attention. Par le passé, je me suis planté. Au moment de la crise Covid, je me suis précipité et j’ai encouragé les gens à faire des réserves. Je me suis trompé et on me l’a reproché par la suite. Sur le coup, j’ai perdu 9’000 abonnés. Maintenant, je fais forcément plus attention. Sans oublier que notre fonction est aussi de divertir. Je ne me suis donc pas trop écarté de ma ligne quotidienne sur les réseaux malgré la guerre et ma communauté apprécie aussi.
Donc vous avez continué à créer des contenus promotionnels et sponsorisés durant les deux dernières semaines?
Elvira: On en discute avec les marques qui collaborent avec nous. Certaines demandent à repousser les campagnes pour qu’elles puissent avoir plus d’impact. Mais globalement, l’activité ne faiblit pas. Nous venons de recevoir cinq nouvelles propositions de partenariat en deux jours. J’ai beaucoup relayé les news ukrainiennes au début, mais j’ai depuis laissé la place à des comptes plus informés et plus spécialisés.
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