Chacun d’entre nous se souviendra longtemps de la stupeur qui nous a frappés à l’annonce de la reprise de Credit Suisse par UBS un sinistre dimanche. Un choc intense face à l’impensable. Une blessure aussi, tant l’établissement fait partie intégrante de notre identité collective suisse.
Avant de faire place à la colère. À la question des responsabilités, dirigeants et autorités n’avaient qu’un seul coupable à la bouche: les réseaux sociaux. La chute de ce fleuron de l’industrie bancaire, parfaitement capitalisée, aurait donc démarré à la suite d’un tweet désignant une banque – sans la nommer – au bord du gouffre. La bonne blague.
Personne pour endosser un début de responsabilité et reconnaître que ce tweet sorti de nulle part n’a été que le révélateur d’une perte de confiance nourrie par les multiples erreurs passées. Ce sont bien les contreparties de la banque, ses clients et les marchés qui ont dit stop, en désignant Credit Suisse comme maillon faible du système bancaire international, en vidant leurs comptes et en pariant sur sa chute.
Le profit à tout prix
Une entreprise avec cent soixante-six ans d’existence ne sombre pas en une semaine. Même à notre époque de l’instantanéité. Plutôt que d’égrainer ici la longue litanie de scandales qui ont conduit à cette rupture de confiance, rappelons-nous cette déclaration de Thomas Gottstein, ancien dirigeant de Credit Suisse: «Les amendes font partie du modèle d’entreprise, du jeu». Autrement dit: employés, faites n’importe quoi, tant que vous ramenez un maximum. On paiera (et vous sauterez).
«Cette débâcle prouve que toute la réglementation du monde ne suffira pas à créer l’actif principal d’une banque: la confiance.»
Cela fait bien longtemps que ces dirigeants ont perdu tout sens des responsabilités, en galvaudant la culture du risque au nom du profit à tout prix. Cette débâcle prouve que toute la réglementation du monde ne suffira pas à créer l’actif principal d’une banque: la confiance. Elle met des années à se construire. Et se perd très vite.
La passivité de la FINMA, de la BNS et du Conseil fédéral dans ce dossier est ici criante. En se refusant à taper du poing sur la table plus tôt face aux inconséquences systémiques de la gouvernance de Credit Suisse, le pays n’a pas perdu qu’une grande banque, mais bien sa réputation en tant que havre de stabilité et d’État de droit dans la gestion de fortune.

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L’éditorial – La culture de l’inconséquence