Plusieurs combats sont engagés, pour l’égalité salariale, la solidarité intergénérationnelle ou encore l’égalité des chances. Pourtant nous avons parfois l’impression de nous épuiser à force de coups d’épée dans l’eau, de dialogues de sourds ou de prêcher des convaincus.
Nous avons aujourd’hui une chance inouïe, qui est d’avoir pu témoigner de grandes révolutions dans beaucoup d’industries différentes, et en les étudiant, nous pouvons en tirer des leçons précieuses pour trouver des solutions nouvelles à nos problèmes de société, dont une rente décente à la retraite figure au premier plan pour la Suisse.
L’une de ces leçons est que les grands bonds en avant qui viennent chambouler les acquis viennent souvent de l’extérieur. Un outsider assez impertinent et créatif pour venir jouer des coudes avec les grands acteurs établis. C’était le cas avec les taxis, les réservations d’hôtel, les agences de voyages, mais également certains services publics, une fois que les marchés s’étaient libéralisés dans certains secteurs tels que la télécommunication avant même l’avènement d’internet.
Le dénominateur commun de tous ces changements a été la capacité des nouveaux venus à s’affranchir des codes et des usages dans lesquels s’étaient figés les «pouvoirs» en place, qu’ils soient des monopoles (de PTT à Swisscom) ou des oligopoles (qui est le cas du système des assurances suisses).
Hélas, les spécialistes ont vite fait de rappeler les rêveurs à la réalité. On constate que la loi sur la prévoyance professionnelle est très stricte et qu’en fonction de la situation de chacun, il n’est pas possible d’améliorer volontairement ses propres prestations de retraite via le 2e pilier.
Dans cette situation, la seule possibilité qui permet d’améliorer sur le long terme son futur et de bénéficier immédiatement d’une optimisation fiscale intéressante est de contracter un 3e pilier volontaire via des modèles d’assurances ou bancaires.
Est-ce qu’une telle révolution exogène est pensable pour nos retraites?
Comme on a pu le constater lors des dernières votations, les rentes sont un sujet extrêmement complexe et qui génère des émotions aussi vives que partagées. Pour trouver de nouvelles solutions, on pourrait tout à fait oser s’inspirer des franges les plus créatives de la société. Commencer par une phase de réflexion où aucune idée n’est à dénigrer, à l’image des séances de brainstorming des plus grandes agences créatives.
On pourrait par exemple imaginer un deuxième pilier solidaire, où le manque à gagner sur la LPP lors d’une réduction du taux de travail est partagé par les conjoints, puisque c’est un choix fait à deux. Une telle proposition semble de prime abord receler une solidarité assez évidente pour un problème complexe, et qui nécessiterait une réflexion très poussée pour en étudier la faisabilité, avant même qu’elle soit mise à l’étude par nos politiques.
On pourrait encore s’inspirer des sciences comportementales et de la théorie dite de «nudge». Celle-ci préconise le respect du libre arbitre, tout en modifiant la manière dont les choix sont présentés. Dans le cas des rentes, on pourrait imaginer un choix d’une cotisation LPP plus importante comme choix «de facto» pour la part employé, que l’on pourrait ramener au minimum légal par le biais d’une simple case à cocher.
Il est nécessaire de préciser que l’état actuel du droit ne permet pas ce système puisque l’employeur à l’obligation de payer au minimum 50% de la cotisation. En Grande-Bretagne, cette technique a par exemple permis d’augmenter drastiquement le taux de dons d’organes au décès.
Et si on faisait un 4e pilier?
Certains diront qu’il suffit de souscrire à un 3e pilier pour compenser le manque de LPP. Outre le fait que le choix de souscrire à un 3e pilier dépend beaucoup du revenu disponible de chacun, cette réflexion déresponsabilise l’employeur et ne prend pas en considération des éléments comportementaux fondamentaux, à savoir le biais de proximité qui stipule que l’humain a une forte tendance à accorder moins d’importance aux événements éloignés dans le futur qu’aux événements rapprochés dans le temps.
«De plus, lorsque l’on analyse de près les différents modèles 2e/3e pilier, on constate très vite que le modèle de la prévoyance professionnelle (2e pilier) est bien plus intéressant (intérêts versés plus importants avec également un intérêt minimum défini par le Conseil fédéral chaque année, et en fonction de chacun, capacité de rachat possible +/- important) » explique Alexandre Chincarini, Responsable RH de Synergix SA, entreprise de services de comptabilité et RH.
«Les intérêts versés sur chaque franc accumulé (pour la cotisation retraite) dans les caisses de pension sont bien plus intéressants que des modèles standard de 3e pilier, qui ont des taux techniques très bas», rajoute-t-il.
C’est pour cela qu’il serait intéressant d’étudier la faisabilité d’une modification dans la Constitution concernant le principe des 3 piliers en ajoutant un modèle complémentaire libre et d’inscrire un 4e pilier. Ce modèle pourrait par exemple être corrélé à sa propre caisse de pension afin de bénéficier également des avantages du modèle de prévoyance professionnelle (gestion de fortune, intérêts, optimisation fiscale).
Enfin, Alexandre Chincarini se dit favorable à un abaissement de l’âge de début de cotisation retraite à 18 ans (contre 25 ans aujourd’hui) à un taux à déterminer et de revoir l’échelle de bonification d’épargne en cours de route.
Ce ne sont que des idées parmi tant d’autres, comme premier pas afin d’ouvrir le débat. Une chose est sûre, le temps est venu d’oser imaginer et de bousculer un peu des modèles qui prennent la poussière.

Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Prévoyance – La créativité au service de nos retraites
Maintenant que la question de l’AVS est derrière nous, comment faire pour réformer la LPP qui s’avère être la source importante des disparités à l’âge de la retraite?