Avec les lois fédérales de décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct et sur l’harmonisation des impôts cantonaux et communaux, l’imposition des bénéfices des sociétés devenait enfin comparable d’un canton à l’autre puisque les bases de calcul et les modalités d’application devaient être harmonisées au plus tard en 2000 – sauf en ce qui concernait les sociétés holding et les sociétés de domicile.
Dès lors, les taux d’impôt expliquaient pour l’essentiel les différences de charge fiscale entre les cantons et les communes et, par ricochet, la concurrence fiscale, que l’on pouvait mesurer. Avec cette constatation: dès les années 90, les barèmes des taux d’impôts cantonaux sur le bénéfice des entreprises s’inscrivaient à la baisse. Grâce à une situation économique favorable, les cantons s’adonnèrent à la concurrence fiscale.
L’OCDE hausse le ton
Premier avertissement dès les années 2010, dans les termes du Conseil fédéral: «L’imposition réduite (des holdings et des sociétés de domicile) doit aujourd’hui être supprimée, parce qu’elle n’est plus conforme aux nouvelles normes internationales.» Une mesure qui est le résultat des pressions externes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), du G20 et de l’Union européenne pour lutter contre l’érosion de la base fiscale et le transfert de bénéfice des multinationales.
La RIE III*, supposée y répondre, ouvre d’autres échappatoires. Elle est refusée en votation en février 2017. Suit la RFFA**, ajoutant à la fiscalité un volet «financement de l’AVS», acceptée en votation en mai 2019. Elle supprime l’imposition réduite des holdings et sociétés de domicile, tout en permettant aux cantons des choix modifiant les bases d’imposition (patent box, recherche & développement, autofinancement, entre autres).
«D’une part, l’attractivité des places économiques ne se résume pas à la seule fiscalité. D’autre part, les positions relatives des cantons dans un classement allant de la charge fiscale la plus faible à la charge la plus lourde n’ont guère changé au cours des années.»
Adieu l’harmonisation formelle obtenue à grand-peine en 1990! La concurrence fiscale trouve un nouveau souffle à la baisse des taux… jusqu’aux nouvelles mesures annoncées par l’OCDE, qui ne manqueront pas de modifier – une fois encore de l’extérieur – le paysage fiscal suisse. Jusqu’où… jusqu’à quand?
La concurrence fiscale n’a pas les effets escomptés en termes de croissance régionale. D’une part, l’attractivité des places économiques ne se résume pas à la seule fiscalité. D’autre part, les positions relatives des cantons dans un classement allant de la charge fiscale la plus faible à la charge la plus lourde n’ont guère changé au cours des années en raison du mimétisme fiscal. Si un canton baisse sa fiscalité, les cantons voisins répliquent à la baisse également pour ne pas alourdir la différence. On se retrouve ainsi à l’étage inférieur, mais dans quasiment le même ordre: les mêmes cantons ont toujours les taux les plus avantageux ou les plus sévères.
Pour éviter cette course à la baisse, qualifiée de dommageable selon les critères de l’OCDE – parfaitement illustrés par le cas suisse – la solution drastique, et iconoclaste, serait d’introduire un taux unique sur l’ensemble du territoire, avec une répartition fixée entre la Confédération et les cantons et une obligation pour les cantons d’en faire de même pour eux et leurs communes.
* Réforme de l’imposition des entreprises III
** Réforme fiscale et financement de l’AVS

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Fiscalité – La concurrence n’a pas les effets escomptés
Se battre au niveau cantonal pour un point d’impôt en moins n’est peut-être pas si important que ça en termes d’attractivité économique. Mise en perspective, au moment où les pressions internationales en faveur d’une harmonisation se font de plus en plus fortes.