L’histoire de l’économie politique de l’État chinois est généralement comprise en quatre phases.
La première correspond à la période 1949-1976, sous la direction de Mao Zedong, et a été marquée par une nationalisation de grande ampleur et une industrialisation rapide.
La seconde période de 1978-2005 a été dominée par les politiques de "réforme et d’ouverture" de Deng Xiaoping, qui ont entraîné la privatisation des terres agricoles, la fin des subventions aux entreprises d’État en difficulté et l’ouverture aux investissements étrangers.
La troisième période de 2005-2012, sous la direction de Hu Jintao, a vu plusieurs des politiques de l’ère Deng revenir en arrière, et le contrôle monopolistique du gouvernement sur les industries bancaires et pétrolières a été cimenté.
Enfin, la quatrième période de 2012 à 2022 a été marquée par le premier mandat de Xi Jinping en tant que dirigeant suprême. Les hommes d’affaires chinois et étrangers ont ainsi dû composer avec la volonté de Xi cherchant à découpler l’économie chinoise des États-Unis.
Manifestations de masse
Désormais, les tendances démographiques à long terme et l’effondrement de la croissance obligent Xi Jinping à passer à une nouvelle phase sociale de sa politique, indépendamment d’un rebond temporaire dans les mois à venir.
La fin inattendue de la politique du «zéro Covid», et les manifestations de masse inhabituelles qui ont conduit à ce revirement politique, marquent le début de cette nouvelle phase de la politique chinoise.
Le 10 novembre 2022, Xi Jinping a réaffirmé l’approche dynamique zéro Covid en déclarant qu’il entendait «continuer inébranlablement à donner la priorité aux gens et à leur vie». Un peu plus de deux mois après cette annonce, le gouvernement chinois est revenu en arrière, a réduit puis démanteler le cadre qui avait guidé sa politique intérieure pendant trois ans.
La fin de la politique du "zéro Covid", et les manifestations de masse de novembre qui l’ont provoquée, suggère ainsi que pour Xi Jinping et le Parti communiste chinois, poursuivre les restrictions sanitaires impliquerait un risque social trop important, d’où la fin du déconfinement.
Cette situation a deux implications.
Risque sanitaire
À court terme, la situation sanitaire risque de s’aggraver. Avec un pic de 62 000 nouveaux cas de Covid-19 enregistrés le 2 décembre, la saison des voyages du Nouvel-An chinois, qui durera 40 jours, risque d’exacerber ce pic en propageant le virus hors des villes à hauts revenus et à fort taux de vaccination comme Pékin et Shanghai, vers les zones rurales plus pauvres et insuffisamment vaccinées, où le système de santé est en sous-effectif et sous-financé.
Pour illustrer la pénurie de médecins en Chine, notons que la Suisse compte 4,5 médecins pour 1000 habitants et la France 3,2, contre 2,4 pour la Chine.
«Prospérité commune»
À moyen terme, la redistribution des richesses et la gestion du mécontentement populaire seront des enjeux priorisés en raison d’une dynamique démographique défavorable. Xi Jinping pourrait intensifier sa politique de «prospérité commune», qui s’est jusqu’à présent essentiellement limitée à des mesures de répression réglementaires à l’encontre de l’enseignement privé et des entreprises technologiques.
«Cette poussée vers la «prospérité commune» entraînera probablement aussi un renforcement des entreprises d’État.»
Dans cette nouvelle phase de la politique, les industries perçues comme ayant une synergie avec l’objectif de «prospérité commune» - comme les soins de santé, la biotechnologie et l’énergie durable – sont susceptibles de recevoir un traitement préférentiel de la part du gouvernement.
Cette poussée vers la «prospérité commune» entraînera probablement aussi un renforcement des entreprises d’État, qui, en Chine, ont longtemps été associées à la stabilité de l’emploi, à des salaires compétitifs et à des avantages attrayants pour les employés.
En concentrant les capitaux dans un petit nombre d’entreprises d’État qu’il contrôle entièrement, l’État chinois va non seulement atténuer une partie de l’anxiété sociale causée par les «excès» perçus de la sphère privée, mais aussi accélérer les progrès vers la «prospérité commune».
Légitimité du pouvoir
Comme pour tous les dirigeants suprêmes depuis Mao Zedong, la légitimité de Xi Jinping repose sur sa capacité à améliorer de manière tangible la situation économique des 1,4 milliard de citoyens chinois.
En axant sa politique sur la redistribution des richesses et le renforcement des entreprises d’État, Xi Jinping renégociera les conditions garantissant la pérennité du Parti communiste, alors même que les indicateurs qui ont longtemps justifié la mainmise du Parti sur le pouvoir - notamment un taux de croissance très élevé - ne sont plus applicables.

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