
Il ne s’agit pas d’une première, mais d’un retour. Il y a juste dix ans, Orsay présentait aux Parisiens Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Comme il fallait bien situer cet inconnu par rapport au public, l’exposition coproduite avec Helsinki et Düsseldorf se voyait sous-titrée «une passion finlandaise». Un cadre géographique se voyait ainsi posé. La rétrospective insistait du reste sur les grands décors nationalistes réalisés par l’homme dans un pays dont l’indépendance n’a jamais été garantie. On le constate encore aujourd’hui. Après la tutelle suédoise, dont l’empreinte peut encore se sentir de manière linguistique, il y avait eu l’annexion russe. Brutale. L’empire autocratique de Nicolas II voulait tout «russifier», en imposant parallèlement la religion orthodoxe. Helsinki abrite du coup une cathédrale rouge vouée à ce culte d’importation. Un véritable décor pour Disneyland Paris.
Après Orsay
L’actuelle présentation doit se contenter d’espaces plus intimes qu’à Orsay. Nous sommes dans les anciens appartements de fonction du Musée Jacquemart-André. Cette série de chambres a certes pris de l’ampleur avec les années. La place n’y reste pas moins parcimonieusement comptée, d’autant plus que ce musée privé sait comment déplacer les foules. Pas d’épopées peintes dans le goût d’un symbolisme tardif, cette fois. Ou peu. Conçue par Laura Gutman et l’inévitable Pierre Curie (actuel directeur de Jacquemart-André), l’accrochage tourne davantage autour des débuts naturalistes de l’artiste et de ses paysages. Axel Gallen, qui avait adopté le nom plus finnois d’Akseli Gallen-Kallela en 1907, se retrouve du coup un brin occidentalisé. Il faut dire que comme son compatriote Albert Edelfelt (1) et bien des Nordiques, l’homme s’était formé en atelier à Paris. Il a beaucoup voyagé ensuite. Berlin, Londres, l’Italie… Gallen-Kallela a d’ailleurs longtemps conservé des attaches françaises. Elles lui ont valu un triomphe lors de l’Exposition universelle de 1900. Puis un bel accrochage personnel en 1908.

Ce Gallen-Kallela de petit format (comme il existe des théâtres de poche) ne se révèle pas sans charme. Nombreux, le public peut découvrir un peintre ayant subi à ses débuts l’influence de ce Jules Bastien-Lepage (1848-1884), à qui la France se devrait de rendre un de ces jours un hommage appuyé tant son rayonnement apparaît intense vers 1880. Le débutant a ainsi ancré dans la réalité un mythe intemporel comme «La légende d’Aïno». Un décor perdu se voit longuement évoqué plus loin. C’est celui de la tombe de la jeune Sigrid Juselius des années 1900. L’accent se voit enfin mis sur le paysage finlandais, toujours vide avec des lacs luisant comme des miroirs et tout au fond des bois silencieux. Gallen-Kallela peint alors dans une barque. Il y a là des œuvres magnifiques. Elles font oublier sans peine certaines toiles moins réussies, comme le terrible tableau représentant des skieurs. Un sujet nouveau dans la peinture européenne de l’époque. Mais après tout, en bon Nordique, notre homme pouvait parcourir sur ses lattes jusqu’à soixante kilomètres par jour…

Un peu étriquée, l’exposition offre pourtant de quoi séduire. Elle me semble par ailleurs caractéristique du goût des musées parisiens, qui regardent toujours davantage vers la lumière cristalline du Nord. Comme je vous l’ai déjà dit, ils ont passé des Allemands aux Danois, puis aux Suédois et aux Norvégiens. Je crains qu’il ne faille s’arrêter à l’actuelle Finlande, à moins d’une insolite découverte quelque part en Islande ou au Groenland…
(1) Je vous ai récemment parlé d’Albert Edelfelt à propos d’une exposition au sous-sol du Petit Palais parisien. Elle dure encore jusqu’au 10 juillet. Vous pouvez donc sans problème jumeler les deux visites!
Pratique
«Gallen-Kallela, Mythes et nature», Musée Jacquemart-André, 158, boulevard Haussmann, Paris, jusqu’au 25 juillet. Tél. 00331 45 62 11 59, site www.musee-jacquemart-andre.com Ouvert tous les jours de 10h à 18h, le lundi jusqu’à 20h30. Réservation facultative, mais fortement conseillée.

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Exposition à Paris – Jacquemart-André redécouvre Gallen-Kallela
Mort en 1931, le Finlandais a donné une peinture qui vante les lacs de son pays et la mythologie nationale. La rétrospective reste un peu petite.