
En travaillant à l’intersection du business et du design, nous avons vu ces deux disciplines se nourrir mutuellement ces dernières années. Le design s’est infiltré dans le monde des affaires avec le "Design Thinking" ou les "design sprints" qui sont désormais des activités présentes dans les milieux des affaires.
De l’autre côté, les designers sont de plus en plus à l’aise dans le monde du Business. Ils assument des rôles de gestion ou de direction de produits et assument des responsabilités ainsi qu’une participation accrue aux décisions business.
Les deux disciplines s’appuient sur des traditions différentes qui conduisent à des visions différentes sur les humains, les marchés ainsi que la société, et établissent une culture ainsi qu’une approche du travail différente.
Les deux disciplines se sont créées des outils semblables à des recettes (tels que les cartes de parcours client et l’analyse SWOT) afin de les utiliser dans leur domaine d’activité. Pour maintenir et accroître leur pertinence et leur influence, les disciplines ont commencé à utiliser non seulement leurs propres outils, mais aussi ceux des autres.
Nous voyons clairement les avantages d’emprunter des outils bien structurés pour favoriser la collaboration et permettre aux gens de développer de meilleurs produits et services.
Toutefois, nous observons également des malentendus découlant de l’accent mis sur les outils:
Ce sont les modèles mentaux - et non les outils - qui doivent être empruntés à d’autres disciplines.
L’intégration et l’utilisation d’outils doivent être faites pour la bonne raison.
L’interaction idéale entre ces deux disciplines doit être repensée au-delà de la simple utilisation d’outils provenant d’autres disciplines.
Examinons ces points, un par un.
1- Les outils et modèles mentaux
La plupart des initiatives éducatives qui présentent le design aux personnes business et les sujets commerciaux aux designers sont axées sur les outils et rarement sur les modèles mentaux.
Les modèles mentaux sont nos processus de pensée et nos interprétations du monde qui nous entourent, tandis que les outils sont les moyens par lesquels nous tentons d’influencer ce monde.
C’est la lutte continue mais respectueuse entre les différentes disciplines qui permet d’obtenir de grands résultats, et non la victoire sur l’autre.
Les outils sont relativement faciles à apprendre, tel que parler aux utilisateurs dans le cadre d’une activité de recherche (un domaine typique du design) ou les bases d’un modèle commercial de rasoir et de lames (une idée commerciale classique dans laquelle le rasoir est gratuit mais où le client s’attache à la marque par l’achat continu des lames).
La mise en pratique de ces connaissances avec maîtrise est une autre question - mais ce n’est pas encore le problème principal. Le problème principal est que tout outil nouvellement appris sera inutile si l’on ne comprend pas les hypothèses qu’il sous-tend, tout comme ne pas adapter son propre modèle mental en fonction de ce dernier.
Prenons deux exemples où un outil a été adopté d’une autre discipline sans adopter le modèle mental qui lui a donné naissance.
Les chefs d’entreprise d’un projet ont consacré beaucoup d’efforts à la création de personas basés sur des hypothèses, car ils ont entendu dire que les personas étaient importants pour l’orientation client. Cependant, aucune hypothèse ou plan de recherche n’ont été mis en place pour vérifier ou réfuter ces personas, et il n’était pas non plus clair comment ces personas seraient bénéfiques au projet à l’avenir. Bien que l’entreprise ait adopté l’outil des personas, le modèle mental, le fait d’avoir un représentant de l’utilisateur appuyé par la recherche à travers le persona n’a pas été compris. Le persona est simplement devenu un produit livrable sans apporter de valeur réelle au projet.
Sur la base d’une recherche sur les utilisateurs, un designer a proposé un modèle économique de paiement à l’usage pour un segment de clientèle au lieu d’un modèle d’abonnement. Cependant, le designer n’a pas pris en compte les conséquences de ce changement de modèle économique sur les prévisions de revenus, le taux de désabonnement ou le revenu par utilisateur. Dans ce cas, le modèle économique de paiement à l’usage a été adopté en tant qu’outil, mais le modèle mental de génération de revenus récurrents pour l’entreprise a été ignoré. Le modèle commercial a été choisi uniquement pour des raisons centrées sur l’utilisateur.
Si l’on ne peut pas passer de son modèle mental existant à celui de l’outil d’une autre discipline, on finira par détester l’outil nouvellement appris, et celui-ci se brisera dans nos mains.
Pensez à la dernière fois que vous avez rempli un canevas et que vous vous êtes dit: "Et alors? Rien de nouveau!" Soit l’outil ne correspondait pas au besoin, soit il a été appliqué sans savoir pourquoi il a été créé.
La suite de l’article prochainement dans la partie 2/2.

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Business & Design – Intégrer ou coopérer? (1/2)
Dans toute organisation, de nombreuses disciplines travaillent ensemble pour créer de la plus-value. Les structures d’entreprise cloisonnent souvent ces disciplines, mais il y a toujours eu des cas de collaboration ouverte. En ce qui concerne le design et le business, nous soutenons qu’il est temps de revoir l’état actuel d’appropriation opportuniste des approches de chacun.