Faire de l’argent, beaucoup d’argent, en 3 clics et sans sortir de sa chambre: toute une frange de la génération Z mord à l’appât du faste étalé sur YouTube, Instagram ou TikTok par les infopreneurs; des influenceurs-entrepreneurs autoproclamés experts de l’e-commerce, de l’immobilier ou des cryptos, suivis par des dizaines de milliers de jeunes, qui vantent ou s’inventent un enrichissement éclair pour mieux en monnayer la recette.
Ces nouvelles idoles supplantent dans l’imaginaire de leur audience les Zuckerberg, Bezos ou Musk, désormais capitaines d’industrie installés, qui ne font plus rêver que leurs quadras de parents. Ici, pas d’enrobage à la californienne, de startupers pitchant encore et toujours qu’ils veulent «changer le monde»: voitures de luxe, voyages de rêve, indépendance financière rapide, l’argent décomplexé est la seule métrique de la réussite.
«La foire aux illusions des réseaux sociaux se fracasse bien sûr sur une réalité moins rose»
La foire aux illusions des réseaux sociaux se fracasse, bien sûr, sur une réalité moins rose, pour cette jeunesse souvent issue d’un milieu modeste et au bagage académique mince. Les applications de finance gamifiées creusent les pertes de leurs utilisateurs. Les microbusiness lancés sur le modèle des infopreneurs à succès permettent au mieux de vivoter et détournent des études. Face à l’ampleur de la vague, leurs aînés oscillent entre incompréhension et réprobation devant cette fascination pour l’argent rapide, dénué de création de valeur.
La vieille garde peine cependant à percevoir les opportunités offertes par l’économie digitale au travers de la maîtrise des réseaux sociaux, du personal branding et des outils technologiques. De nouvelles compétences entrepreneuriales que cette nouvelle génération identifie et tente de développer à tout juste 20 ans, en s’identifiant aux infopreneurs à succès. À l’âge où leurs aînés – si prompts à les juger - vivaient leurs années d’insouciance en suivant des chemins tout tracés, leur détermination et leur esprit d’initiative ont de quoi interpeller.
Phénomène sociologique, l’entrepreneur de soi-même se dessine comme une réponse aux faibles perspectives d’une carrière contraignante et incertaine en entreprise, dans une économie en mutation rapide n’offrant aucune garantie aux jeunes les moins armés. Il incarne également la défiance d’une frange de la jeunesse envers les structures hiérarchiques verticales héritées du XXe siècle. Bercée à l’horizontalité des réseaux sociaux, refusant de se faire dicter sa vie, s’en sortir coûte que coûte par soi-même s’impose logiquement comme nouveau symbole de la réussite.

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L’éditorial – Fast cash, le choc des générations
Phénomène sociologique, l’entrepreneur de soi-même se dessine comme une réponse aux faibles perspectives d’une carrière contraignante et incertaine en entreprise.