
Le verdict est tombé. Il s’agit d’un choix attendu, surtout dans les milieux professionnels. «Il Giornale dell’arte» de décembre, dont j’ai pu acheter une copie juste avant de sauter dans mon train à Venise, a désigné quelles étaient selon ses experts la meilleure exposition de 2002, la personnalité beaux-arts de l’année, l’événement muséal des douze derniers mois et le livre spécialisé le plus important récemment paru. Ce mensuel, dont je vous parle souvent, se trouve à la tête d’un colossal réseau international. Je rappelle qu’il en existe une version anglaise, espagnole, grecque, russe, chinoise et que la France en propose non pas une mais deux adaptations. J’ai cité «Le Journal des arts» (qui paraît tous les quinze jours) et «The Art Newspaper France». Voilà qui fait bien des yeux et des oreilles traînant partout…
Coup de foudre florentin
Je ne vais pas faire durer le suspense. «And the winner is…» Aucun doute en ce qui concerne l’exposition. C’est «Donatello» au Palazzo Strozzi de Florence. Montée par Francesco Cagliotti, la rétrospective a fait l’unanimité tant dans son propos que par la qualité des œuvres montrées. Je vous en ai beaucoup parlé. Une présentation dépouillée, des explications compréhensibles par un enfant de huit ans et la beauté du lieu d’accueil ont fait un événement prodigieux de la réunion d’œuvres de celui qui est aussi devenu une tortue Ninja. Il fallait faire aussi bien qu’au Belvedere de la cité toscane en 1986. Le commissaire a réussi nettement mieux. J’avais pourtant pensé il y a trente-huit ans que je ne reverrais jamais un Donatello comme ça!

Côté personnalité, le choix est tombé sur Paul G. Allen, qui nous a pourtant quittés en 2018. Pourquoi cela? Parce que sa vente à New York a rapporté le 9 novembre chez Christie’s la somme hallucinante de 1,5 milliard de dollars pour 150 numéros. La maison d’enchère espérait le milliard, qui aurait marqué un record d’encaisses en une soirée. Elle a obtenu bien davantage. On peut épiloguer sur la folie marquant les prix depuis une trentaine d’années. Il est aussi permis de rappeler que le produit entier ira à des organisations caritatives, dont le nom reste à préciser. Celui d’Allen n’a pas plu à tout le monde. Les aristarques («critiques éclairés, mais sévères», selon le Larousse) les plus politisés auraient voulu voir celui du collectif indonésien Ruangrupa. C’est à ce dernier qu’incombait le commissariat de la Documenta XV de Kassel, voulue inclusive, interspéciste, anticapitaliste, communautaire et activiste. En dépit de quelques pseudo-scandales propres à plaire aux médias, cette exposition a cependant rencontré peu d’échos hors d’Allemagne. Et certains en sont revenus en disant qu’ils y avaient vu moins d’œuvres que de slogans.

Pour le livre, aucun doute en revanche. L’entreprise couronnée est celle de Krzystof Pomian sur l’histoire des musées depuis leur progressive création sous forme de collections princières. Il s’agit là d’une somme, dont la version originale française a paru en trois volumes chez Gallimard. Je vous ai entretenus il y a peu du tome III, qui retrace les années 1850 à 2020. Un bouquin deux fois plus gros que les deux précédents: 944 pages contre 484 et 391. Je vous avais du reste expliqué qu’il eut gagné à se voir divisé en deux parties distinctes. Rien que pour assurer le confort de lecture. Autrement, il s’agit là d’une prodigieuse mine de renseignements, même si le récit perd parfois de sa force et de sa cohérence en multipliant les détails.

Je n’avais en revanche pas remarqué la naissance du Musée national de Norvège, inauguré le 11 juin dernier. Cette méga institution est née de la fusion, réalisée entre 2003 et 2005, du Musée des arts décoratifs, de la Galerie nationale, du Musée d’art contemporain et du Musée d’architecture. Il fallait créer un lieu pour abriter tout ce monde. L’ensemble des collections se montait à 400 000 pièces, ce qui reste pourtant raisonnable à l’échelon européen. Il y a donc eu un concours d’architectes, remporté en 2009 par l’Italo-allemand Klaus Schuwerk. Les travaux ont commencé en 2014 seulement. Il en est résulté le plus vaste ensemble d’Europe septentrionale. Avec ses 54 600 mètres carrés, le Musée national de Norvège dépasse en surface le Rijksmuseum d’Amsterdam. Il compte 90 salles, soit dix de moins que les Offices de Florence. Le plus étonnant reste cependant de lire que dans le pays le plus cher de Scandinavie le budget n’a pas excédé 61 millions d’euros. A Genève, pour quelques milliers de mètres carrés supplémentaires de MAH dus à un agrandissement, on parle aujourd’hui de 400 millions de francs (autrement dit la même somme en euros). J’ai beau ne pas être un grand mathématicien, mais je me dis qu’il y a là comme une erreur quelque part.
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Palmarès – Et les grands gagnants beaux-arts de 2022 sont…
Voici le choix d’«Il Giornale dell’arte». Ses experts ont choisi Donatello à Florence, la vente Allen, le livre de Krzystof Pomian et le musée d’Oslo.