Art contemporainDans le monde d’après, la survie des foires semble assurée
Après dix-huit mois de pause forcée, cet automne a marqué le retour en force des plus grandes foires d’art européennes. Bien qu’impactées, elles restent un maillon essentiel dans l’écosystème du marché de l’art mondial.

Après avoir survécu aux annulations successives et aux restrictions de voyage, Art Basel a marqué un retour gagnant dans un calendrier automnal inhabituellement chargé. Elle a été suivie par Frieze à Londres et la FIAC à Paris, avant de dérouler son tapis rouge à Miami, marquant le retour des Européens sur le sol américain. Hybrides, toutes se sont doublées de leur avatar digital, soit les Online Viewing Rooms, répondant à une adoption généralisée du digital par l’industrie. En témoigne l’accélération spectaculaire des ventes en ligne durant la pandémie. Malgré l’excellent niveau observé à la FIAC, David Zwirner a cependant estimé qu’il y manquait «le dynamisme de Frieze», saluant toutefois «un public intellectuellement très sophistiqué».
«Art Basel, la foire numéro un mondial a su donner le ton dès les premières heures d’ouverture, réalisant des transactions exceptionnelles à sept chiffres.»
Si presque tous ces événements ont accusé une baisse de leur fréquentation, dont un tiers pour Art Basel, la foire numéro un mondial a su donner le ton dès les premières heures d’ouverture, réalisant des transactions exceptionnelles à sept chiffres. Même si on a pu y voir s’échanger des œuvres de qualité, ce fut sans réelle prise de risque. Miser sur des valeurs sûres, telle fut la stratégie des exposants, s’assurant ainsi des ventes importantes au préalable par PDF. Si les collectionneurs asiatiques et américains ont pour la plupart manqué à l’appel, l’inquiétude générale de départ fut rapidement balayée par la présence d’une clientèle internationale, somme toute majoritairement européenne.
Le bilan, bien que positif, n’arrive toutefois pas aux niveaux de 2019. Les exposants ont salué ce retour à l’activité In Real Life. Pour eux, les foires restent des lieux de rencontre où les ventes sont ponctuées par une poignée de main ferme. L’effondrement tant redouté du marché de l’art n’aura pas eu lieu. Si le chiffre d’affaires global affichait une baisse de 22% en 2020 – une contraction inférieure aux 36% constatés en 2009 à la suite de la crise des subprimes – le marché retrouvait une progression nette avec plus de la moitié des marchands d’art signalant une augmentation de ventes au premier semestre de 2021, note le dernier Art Basel & UBS Global Art Market Report.
«Pour survivre dans ce contexte en transmutation, les foires devront tenir compte des nouvelles réalités du marché.»
Alors qu’en 2019, le calendrier international de foires comptait quelque 300 événements, la pause forcée fut salutaire pour la plupart. Certains galeristes avaient commencé à parler de «fairtigue». D’autres étaient devenus tellement dépendants des foires qu’ils y réalisaient plus de la moitié de leur chiffre d’affaires. L’arrêt brutal fut l’occasion de faire une mise au point. Malgré une baisse moyenne de leur chiffre d’affaires de 20%, certaines galeries ont compris qu’elles pouvaient survivre sans les foires, améliorant leur visibilité via des plateformes digitales. Le format des foires hybrides devrait donc s’imposer.
Pour survivre dans ce contexte en transmutation, les foires devront tenir compte des nouvelles réalités du marché. Alors que voyager reste compliqué, certains galeristes ont déclaré vouloir se concentrer sur un public plus local et réduire leur participation aux événements internationaux, dont l’empreinte carbone est toujours plus critiquée. L’année dernière, un groupe de professionnels a lancé le Gallery Climate Coalition (GCC), une organisation internationale à but non lucratif visant à réduire les émissions de carbone du secteur d’au moins 50% d’ici à 2030.
Pour Iwan Wirth, cofondateur de la galerie Hauser & Wirth, la durabilité est également un facteur important dans l’élaboration de leur futur plan d’action. Ce dernier vise à réduire d’environ 50% leur participation aux foires. Certaines foires l’ont bien compris et capitalisent sur cette demande de rencontres plus régionales en s’implantant dans de nouveaux territoires, à l’image de la Frieze, qui fera ses débuts à Séoul à l’automne 2022.

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