«House of Cards», c’est la première que j’ai dévorée. Une série Netflix sortie en 2013. La plateforme avait investi un pactole pour concurrencer la production traditionnelle. On connaît la suite, le développement vertigineux de ce loueur de vidéos californien qui allait révolutionner l’audiovisuel mondial. Un succès spectaculaire porté par une vision forte: investir dans la production de contenus en quantité suffisamment industrielle pour créer un catalogue autoporté.
En 2021, Netflix annonçait un budget d’investissement de 18,3 milliards de francs dans la production originale. En 2015 il se montait à moins de 5 milliards, preuve de la croissance folle de cette major. Pour prendre la mesure de ces chiffres, il faut les comparer avec les budgets des diffuseurs traditionnels: moins de 4,5 milliards pour couvrir les coûts de tout le groupe BBC par exemple ou, chez nous, 1,45 milliard pour porter l’activité des 7 chaînes TV et 17 programmes radios de la SSR.
Levier industriel
Netflix, Amazon, Disney+ et consorts ont bel et bien révolutionné notre mode de consommation. Ce succès s’appuie sur un catalogue de contenus fabriqués pour satisfaire et susciter notre curiosité.
Nous avons tant aimé «Game of Thrones», «La casa de papel»… mais les spectateurs savent-ils les moyens qui se cachent derrière ces productions? La majestueuse série «The Crown» a rassemblé un budget de 130 millions de francs pour sa saison 1! C’est l‘un des plus gros du genre. À titre de comparaison, ici en Suisse, nous avons produit «Quartier des banques» avec un budget de 5 millions de francs. Ces chiffres montrent le levier industriel que constituent ces nouvelles productions et il n’y a aucune raison que la Suisse en soit exclue.
Notre pays compte aujourd’hui des dizaines de sociétés de production qui emploient des cinéastes mais aussi des techniciens et des services dont le travail rejaillit sur toute notre économie (services, transport, hôtellerie…). Une étude d’Ernst & Young montre qu’entre 2013 et 2017 l’apport financier de 39 millions de francs de la part de la Fondation romande pour le cinéma a généré plus de 122 millions de francs dans l’économie réelle. On peut facilement se projeter sur ce que seraient ces chiffres si une seule série de Netflix ou d’Amazon venait à planter son décor au bord de nos lacs ou dans les rues de nos villages alpins.
Voter «OUI» le 15 mai à la nouvelle loi sur le cinéma, c’est inciter celui-ci à grandir, à se diversifier, à créer des possibles.
La nouvelle loi sur le cinéma ouvre une telle perspective en prévoyant une incitation à investir sur notre territoire. Dans un marché ultraconcurrentiel, la Suisse cherche à s’aligner sur ses pays voisins. En France, 26% du chiffre d’affaires de Netflix est obligatoirement réinvesti. Non seulement, le prix des abonnements n’a pas augmenté, mais plus de 50 productions ont été lancées dans l’Hexagone, dont le succès «Lupin». La nouvelle loi suisse prévoit bien plus modestement 4% de chiffre d’affaires à réinvestir, soit moins de 20 millions par an. Autant dire une goutte d’eau au regard des milliards brassés par les plateformes.
Mais cette goutte d’eau est vitale pour pouvoir faire exister la Suisse sur la carte mondiale. Voter «OUI» le 15 mai à la nouvelle loi sur le cinéma, c’est inciter celui-ci à grandir, à se diversifier, à créer des possibles pour nos PME, mais aussi pour toute une nouvelle génération innovante.
David Rihs, producteur, associé du groupe Point Prod Actua (120 collaborateurs à Genève,
Zurich et Paris)

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Lex Netflix – Créer des possibles pour le cinéma
Accepter la nouvelle loi sur le cinéma, c’est inciter celui-ci à grandir, à se diversifier, à créer des possibles pour nos PME, mais aussi pour toute une nouvelle génération innovante, défend David Rihs, producteur et associé du groupe Point Prod Actua, qui appelle à voter oui le 15 mai.