
C’est une suractive. Autant dire qu’elle dessine énormément. Christelle Téa ne surproduit pas pour autant, avec ce que chose la signifie de fatigue et de répétitions. Elle trace comme elle respire ses traits d’une main sûre sur une feuille blanche. Sans hésitation, ni repentirs. Aucun effort apparent. Cela fait maintenant une bonne décennie que la femme crée ainsi des portraits d’appartements, de musées, de rues... et même de gens. La chose donne lieu à des expositions. Des livres. Des agendas. Toujours thématique. Christelle creuse un sujet, puis passe à un autre sans casser pour autant un fil conducteur. Il s’agit pour elle de donner à voir ce qu’on ne regarde plus.

Née en 1988, Christelle Téa est sortie de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts avec les félicitations unanime du jury. La chose pourrait inquiéter, vu qui l’ENSBA couronne parfois. Ici, la vénérable institution est tombée juste. Elle a de plus rejoint les goûts du public, qui n’a pas envie de rester abstrait ou conceptuel toute la journée. De résidence à l’étranger (en Asie surtout) en commande passée par des musées (je vous ai parlé de celle de Cognacq-Jay en 2021), la dessinatrice a ainsi pu nous montrer le monde tel qu’elle le ressent. Un lacis de traits de plume s’enchevêtrant. Une légère distorsion des choses représentées permettant de voir large. Des qualités notables pour qui représente des appartements dans une tradition initiée au XVIIIe siècle.

J’ai en ce moment sur mon bureau deux des derniers livres de l’artiste. Le premier s’appelle «Le Paris de Christelle Téa». Publié directement par l’intéressée, ce premier ouvrage en arrive déjà à sa seconde édition (1). L’autre album, plus personnel, s’intitule «Bibi». Il faut dire que vous ne croiserez son auteure que chapeautée, avec parfois un brin de voilette. Le couvre-chef est comme il se doit toujours assorti au vêtement. Avec jupe, évidemment! Un détail presque insolite qui fait reconnaître Christelle partout où elle passe. Il n’y a plus beaucoup de gens pour se montrer aussi personnel à notre époque d’impersonnalité.

Aujourd’hui, les correspondants de l’artiste sur le Net ont reçu ses poubelles. Je m’explique. Il s’agit des «portraits» de sacs plastiques posés dans les rues parisiennes au moment des grèves d’éboueurs en mars. Il y en avait partout, même si elles ne produisaient leur petit effet que dans les rues les plus étroites. Les boulevards demeurent peu propice à de type de colères professionnelles. Paris n’est ni Naples, ni Gênes. Christelle a su conférer à ces tas informes une certaine séduction, pour ne pas dire une séduction certaine. Chaque image porte inscrits le nom de la rue (avec parfois le numéro) et la date. C’est un témoignage pour la petite histoire, comme il s’en produit depuis des siècles. Il n’y a pas que les photographes pour montrer l’actualité. Bercé de musique signée Reynaldo Hahn, un petit film accompagne chaque envoi. Il montre l’artiste chapeautée en train de travailler.

Je ne résiste pas à l’envie de vous montrer certains de ces dessins, qui pourraient bien donner lieu à un album. Ce n’est pas tous les jours que je peux vous proposer des déchets aussi magnifiés!
(1) Le site de l’artiste (www.christelletea.com) donne la liste des lieux où ces livres sont disponibles… en France.

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Dessin – Christelle Téa immortalise les poubelles de Paris
L’artiste a mis sur papier les tas d’ordures du mois de mars. Pour le moment elle poste le résultat. Mais elle vient de sortir deux livres…