Travail flexibleCEO ou manager, ils travaillent à temps partiel
Cadres ou directeurs à temps partiel se confrontent à des défis organisationnels et à certains préjugés. Florence Delaloye, manager dans une multinationale à Lausanne, et Fabrice Haenni, CEO des Distilleries Morand, partagent leurs expériences.

Ils sont CEO ou manager, assument des postes à responsabilité dans leur entreprise respective, mais ont décidé d’exercer à temps partiel ou réduit. Ils partagent les avantages et difficultés de la pratique.
«CEO à temps partiel, c’était non négociable»
Fabrice Haenni incarne cette nouvelle génération de cadres pour qui l’équilibre vie privée, vie professionnelle est devenu une exigence. Quand il prend le poste de CEO des Distilleries Morand à Martigny en 2015, il demande et obtient un 80%, off le mercredi. «C’était non négociable, je souhaitais voir grandir mes deux enfants», évoque celui qui venait alors de céder la société familiale au groupe Morand, et reste à ce jour le seul temps partiel de l’équipe de direction. Sans baisse du cahier des charges, le dirigeant de 35 ans doit faire preuve d’efficience pour assumer ses fonctions en 4 jours: «L’ensemble des tâches doit être rationalisé, mais on y parvient. Mes 25 minutes de trajet le matin, je les passe à faire mes appels, par exemple.»
Pour Fabrice Haenni, la clé du succès réside en premier lieu dans la sortie de la culture du contrôle. «Il faut accepter que l’on ne voit pas tout passer, et faire confiance à ses collaborateurs», estime-t-il. Au-delà de son cas personnel, l’entreprise ouvre aujourd’hui l’ensemble de ses postes entre 70 et 100%, à discuter avec le futur collaborateur, comme sur les postes comptables brevetés et collaborateurs supply chain ouverts en ce moment.
«Même si un 100% serait souhaité, on ne peut pas se permettre de perdre des candidatures dans un contexte de pénurie de talents», relève Fabrice Haenni. Conscient que cette flexibilité fonctionne «car l’organisation est agile et l’entreprise en croissance», il évite les temps de travail très réduits 20 ou 40%, plus difficilement gérables en termes organisationnels. Pour le reste, il s’adapte et dit s’y retrouver. «Ce qui est valable pour moi l’est aussi pour les autres salariés: un collaborateur avec équilibre vie privée, vie professionnelle qui lui convient donne mieux.»
«Le temps partiel reste un frein à la carrière»
Florence Delaloye fait figure d’OVNI avec 32 ans de carrière dans une multinationale de la région, dont la moitié menée à temps partiel. Assumant aujourd’hui une fonction managériale et stratégique aux ressources humaines du groupe à 80%, elle a su conserver son taux d’occupation réduit contre vents et marées. Comme quand en 2008, confrontée à la complète réorganisation de son département, impliquant entre autres la fin du temps partiel, elle choisit de postuler en interne avec un binôme en job sharing. La double candidature est retenue. «À 50% chacune, on ne se voyait jamais. Il a fallu apprendre à tout partager, assurer les transitions, ne rien garder pour soi, et placer une confiance absolue en l’autre.»
Par la suite, Florence Delaloye a pu prendre seule un poste managérial à temps réduit. «Comme souvent chez les managers à 80%, on se sent dans l’obligation de travailler comme si nous étions à 100%», met en avant celle qui a dû faire face à des réactions parfois peu bienveillantes: «Ce n’est pas toujours évident quand on part à midi d’entendre: «Ça y est? Tu as fini ta journée?». Quand vous n’êtes pas présente, il arrive qu’un dossier intéressant soit transmis à quelqu’un d’autre, ce qui peut être frustrant.» Florence Delaloye a dû apprendre à prendre du recul: «Il faut sortir de la culpabilisation et du «j’aurais dû être là». C’est ce sentiment de culpabilité qui amène souvent les employés à temps partiel à travailler davantage que leurs heures de travail contractuelles.»
Toutefois, Florence Delaloye relève sa «chance d’avoir eu des chefs compréhensifs et ouverts d’esprit» qui l’ont soutenue et respecté ses horaires. Malgré la progression du temps partiel et des modes de travail flexibles, Florence Delaloye estime son cas marginal et considère que «le temps partiel reste un frein à la carrière, plus encore quand on monte dans la hiérarchie». Elle note toutefois une évolution – avec la création d’un département Inclusion et diversité au sein de l’entreprise – mais faiblement perceptible: «Aujourd’hui encore, les femmes qui font carrière dans l’entreprise travaillent majoritairement à temps plein.»
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