
L’homme est né à Versoix en 1847. Il se voit aujourd’hui présenté au Boléro, l’espace d’art communal localisé à l’étage, juste en face de la gare. Ce dernier doit son nom à Maurice Ravel, qui a composé à partir de cette danse d’un autre temps son œuvre la plus célèbre. Tout se tient dans la mesure où Edouard John (toujours l’anglomanie genevoise du XIXe siècle!) Ravel était l’oncle du musicien, auquel il légua sa fortune en 1920. Inventeur, son frère avait fait faillite en 1905, mettant ainsi en péril l’avenir de son fils musicien…
Au départ un livre
C’est avec un peu de retard que cet hommage du centenaire se voit proposé en ce début d’année. La pandémie, comme toujours… L’exposition n’en possède pas moins le mérite d’exister, deux ans après la parution surprise du petit livre de Philippe Junod sur un peintre régional particulièrement délaissé, pour ne pas dire abandonné. Sa toile la plus ambitieuse, un immense «La Justice des Helvètes», se trouve roulée dans une cave de l’Hôpital, à qui l’artiste l’avait imprudemment donnée en 1917. Si elle n’est pas irrécupérable, elle doit en tout cas sembler bien malade. Sa grande décoration symboliste dans l’escalier de la Salle communale de Plainpalais a toutefois retrouvé sa visibilité depuis la restauration (assez moyenne dans l’ensemble) du bâtiment. Ce panneau coloré sur le thème de la musique, une fois démodé, avait tout simplement été recouvert d’une couche de peinture fraîche.

Pas question, bien sûr, d’amener à Versoix les œuvres conservées les plus vastes de Ravel, qui a donné dans tous les genres. La «Fête pastorale dans le val d’Hérens» est donc restée au Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne (MCB-a), où n’est pourtant pas accrochée en permanence. La Mairie de Plainpalais (qui demeura une commune indépendante jusque 1931) n’a pas davantage envoyé ses panneaux représentant l’agriculture sur un site qui restait à l’époque maraîcher. Il y a au Boléro des portraits, à l’huile ou au pastel. Des esquisses pour des compositions historiques. Des paysages exécutés à Estavayer, ou dans le canton du Valais. Ce dernier constitua une révélation pour Ravel dès les années 1880. Il y travaillait chaque année surtout à Evolène, en compagnie de différents collègues. Il est ainsi admis aujourd’hui qu’il a existé une «Ecole d’Evolène» avant celle, bien mieux connue, de Savièse.
Un éventail très large
Cette peinture tantôt d’un académisme anecdotique (comme un «Atelier pour femmes artistes»), tantôt d’un réalisme pleinairiste (Estavayer), tantôt symboliste («L’Ange gardien») cohabite avec des dessins et des gravures, ces dernières se révélant de très petit format. Le visiteur peut ainsi se faire une idée du large éventail déployé par un peintre sensible à des influences diverses. Notons cependant que Ravel a beaucoup enseigné. Il ne devait pas donner à ses pupilles des instructions trop strictes. Beaucoup de tableaux montrés à Boléro revoient bien sûr pour la première fois le jour depuis longtemps. C’est le cas pour les prêts du Musée d’art et d’histoire (MAH) genevois. Mais il y a aussi des inédits, ou presque, en provenance du Musée Jenisch de Vevey ou, plus lointainement, du Palais des beaux-arts de Lille. Ce dernier a ainsi tiré de ses caves «L’artiste malade», qui tient du morceau de bravoure.

Des œuvres de Ravel réapparaissent périodiquement de nos jours. Un paquet de dessins s’est ainsi retrouvé sur le marché parisien il y a une quinzaine d’années. La Société des Arts vient de découvrir un portrait de femme, très mondain, au pastel. Cette œuvre dans un état de conservation exceptionnel a été retrouvée dans une caisse. Par hasard. Elle s’est aussitôt vue accrochée dans un salon du Palais de l’Athénée. Cela dit, la cote de Ravel aux enchères reste chaotique, comme pour beaucoup de figures genevoises de la fin du XIXe et des débuts du XXe siècle. Si une agréable scène de patinage sur glace s’est très bien vendue récemment chez Piguet, des études à l’huile pour «La Justice des Gaulois» ont pathétiquement changé de mains en 2018 dans la même maison de ventes pour 200 francs. Qui dit moins?

N.B. Boléro reste bas de plafond. D’où un accrochage souvent au-dessous de la normale. C’est le cas pour le grand «Portrait du Dr Alfred Vincent» du MAH comme pour «Les premiers pas», qui appartient à un collectionneur privé.
Pratique
«Edouard John Ravel», Boléro, 8, chemin Jean-Baptiste Vandelle, Versoix, jusqu’au 1er mai. Tél. 022 755 16 54, site www.versoix.ch Ouvert du mardi au dimanche de 15h à 18h. Le livre de Philippe Junod, 61 pages, a paru chez Infolio dans la collection Presto.
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Exposition à Versoix – Boléro part à la redécouverte d’Edouard Ravel
Oncle du compositeur, le peintre est né à Versoix en 1847. Il a fait une jolie carrière avant de sombrer dans un oubli injuste. Voici enfin la rétrospective!