Alors qu’il représente un modèle d’affaire lucratif et propose, dans le meilleur des cas, une évaluation objective d’un produit ou service, il devient de plus en plus compliqué de faire le tri, face à des sollicitations qui se font de plus en plus fréquentes et parfois insistantes de la part des organismes qui décernent ces récompenses.
Dans le secteur de la finance, le phénomène est impressionnant. «Ces dernières années, on a assisté à une explosion du nombre de programmes et de cérémonies de remise de prix dans tous les domaines. C’est aussi vrai dans le domaine financier que dans celui du divertissement, du droit ou du toilettage des chiens. Leur popularité découle de l’effet de halo qu’ils peuvent conférer à leur récipiendaire et de l’occasion qu’ils offrent de se mettre en valeur devant l’industrie», raconte Rachel Fokes, directrice des Awards chez ClearView Financial Media, l’une des sociétés leader du milieu.
Son organisation, par le biais des WealthBriefing Briefing Awards, gère actuellement 11 programmes de ce type dans de nombreux centres financiers du monde, y compris Genève et Zurich et est la seule organisation véritablement internationale à servir le marché suisse.
D’autres publications qui se concentrent sur la gestion de patrimoine proposent des programmes similaires, mais chacun met un accent légèrement différent, car la différenciation est aussi importante dans le secteur des «awards» que dans tout autre secteur.
Pourquoi ça marche aussi bien?
Dans certains domaines comme l’éducation, les classements sont essentiels. «En effet, selon les sondages réalisés auprès d’étudiants, les classements universitaires sont le facteur décisionnel le plus important lorsqu’il s’agit de choisir leur université», explique Lucile Muller, responsable de la communication externe à l’EHL Hospitality Business School (anciennement l’Ecole hôtelière de Lausanne), grande habituée des podiums mondiaux de l’éducation.
Il y a plusieurs autres aspects très positifs aux classements et aux «prix du meilleur». Tout d’abord, il remplit son rôle primaire qui est d’offrir une reconnaissance publique d’une forme d’excellence. Cette reconnaissance est directement corrélée à la crédibilité et au prestige de l’organisme qui la décerne, et pourra servir d’outil marketing précieux tout au long de l’année qui suit l’obtention du sésame.
Ensuite, il y a évidemment une dimension narcissique que tout le monde niera avec autant de ferveur qu’un pet dans un ascenseur. Un prix, ça flatte l’ego, ça fait plaisir, ça met en confiance. Dans le fond, même si c’est gênant, c’est à prendre car rares sont les occasions de se féliciter pour nos efforts, notre créativité ou notre détermination.
Enfin, participer à ces concours présente une opportunité unique d’introspection, de définition et de formulation de notre identité, notre stratégie et nos acquis de manière succincte et convaincante. C’est un exercice intellectuel pour lequel il est souvent difficile de faire de la place dans un quotidien saturé par les emails à rallonge et les échéances qui nécessitent une maîtrise de l’espace-temps digne de Doctor Strange.
À boire et à manger
Dans l’éducation, par exemple, il existe une multitude de prix et de classements et plus largement dans l’économie de la connaissance, mais tous ne se valent pas. En effet, les méthodologies varient grandement et si certaines sont de qualité, d’autres se font aussi remarquer par leur opacité.
«Le plus important pour rendre un prix crédible est de pouvoir communiquer que les récompenses ne peuvent jamais être achetées et qu’elles sont toutes gagnées au mérite.»
«Il est donc important de faire la part des choses et d’appréhender ces prix et classements avec un certain œil critique», prévient Lucile Muller. Une méthodologie rigoureuse et transparente permet de distinguer les prix crédibles de ceux qui le sont moins. «Il faut parfois faire un véritable travail d’enquête pour s’assurer de la pertinence et de la qualité des classements et des prix. À l’instar de certains labels de qualité (comme les labels écologiques par exemple), les «awards» ne tiennent pas toujours leurs promesses et peuvent parfois laisser transparaître un système corrompu dans lequel l’argent prime et payer suffit parfois pour remporter le prix», ajoute-t-elle.
« Le plus important pour rendre un prix crédible est de pouvoir communiquer que les récompenses ne peuvent jamais être achetées et qu’elles sont toutes gagnées au mérite. Tous nos participants l’ont compris, ce qui signifie qu’ils ont envie de se présenter année après année et qu’ils sont fiers de partager leur succès avec leurs collègues, leurs clients et leurs prospects», raconte pour sa part Rachel Fokes, pour qui la place financière suisse n’a plus de secret.
Un moteur de changement positif
Souvent, les prix et les reconnaissances publiques constituent une case à cocher pour les équipes marketing et communication. Pourtant, ces événements publics au retentissement parfois très fort peuvent devenir une machine puissante pour la promotion de valeurs importantes, comme l’inclusion ou la responsabilité sociétale.
C’est du moins un avis que beaucoup partagent, comme Lucile Muller (EHL) pour qui les awards mettent en valeur les initiatives ESG menées par les institutions académiques. Elle explique que «les méthodologies en place derrière les awards et les rankings incitent les dirigeants à mesurer les impacts de leurs actions et à questionner les pratiques en place».
Et si les lauréats bénéficient d’un coup de projecteur, c’est aussi toute l’industrie qui en profite grâce à un partage de connaissances et de bonnes pratiques. «Récemment à l’EHL, nous avons remporté les PIE Awards dans la catégorie «Sustainability International Impact» pour nos efforts en matière de réduction de l’empreinte carbone de notre offre F&B. Lors de l’événement, nous avons pu échanger avec de nombreux professionnels de l’éducation sur ce projet et nous espérons que cette initiative inspirera d’autres institutions académiques», conclut-elle.
«Il convient de ne pas essayer de manger à tous les râteliers et se montrer sélectif dans le choix des inscriptions.»
Pour la finance, c’est également le cas. Les prix du média «The Banker», propriété du Financial Times, ainsi que les WealthBriefing awards, ont développé des catégories pour asseoir leur participation aux causes ESG plus fermement.
Rachel Fokes (WealthBriefing) s’explique: «Nous avons des catégories qui saluent la diversité et l’inclusion, l’ESG, la promotion des femmes et l’excellence du service dans tous nos programmes. Nous avons même une série de prix entièrement dédiés à ce domaine appelés "Wealth for Good". Cette initiative s’est avérée incroyablement populaire et nous aimons penser que nous faisons partie d’un mouvement qui encourage les grandes fortunes à être plus réfléchis dans l’utilisation de leurs actifs au profit du plus grand nombre».
En conclusion, le monde des classements et des awards joue un rôle important pour les entreprises, tant à l’interne qu’à l’externe. Il convient toutefois de ne pas essayer de manger à tous les râteliers et se montrer sélectif dans le choix des inscriptions.
Surtout, si vous avez gagné un prix auquel vous ne vous êtes pas présenté, posez-vous des questions!

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