Fin 2022, le Conseil fédéral a ouvert jusqu’au 16 mars 2023 une consultation sur un projet de modification des lois fédérales qui régissent l’imposition des personnes physiques. Le but? Mettre fin au principe selon lequel un couple marié – ou deux partenaires enregistrés, depuis 2007 – ne constitue qu’un seul sujet fiscal.
Le Tribunal fédéral a en effet constaté en 1984 déjà que l’impôt fédéral direct (IFD) prétérite souvent les couples mariés par comparaison avec deux personnes qui vivent en concubinage.
Le sujet peut vous paraître familier. En effet, nous avons voté en février 2016 sur une initiative populaire du PDC qui demandait la fin de la pénalisation du mariage. Elle a été rejetée par 50.8% des votants, alors que 16 cantons et demi sur 23 l’avaient acceptée. Mais cette votation a été la première à être invalidée par le Tribunal fédéral, parce que l’administration avait massivement sous-estimé le nombre de couples mariés discriminés: plus de 700 000 au lieu de 80 000!
La présente contribution n’a pas pour objet de prendre position pour ou contre le projet du Conseil fédéral, mais seulement d’en relever certains aspects. On notera toutefois que les cantons, qui ont déjà tous résolu cette problématique dans leurs lois cantonales, ne sont pas enchantés à l’idée d’avoir environ 1,7 million de dossiers fiscaux en plus à traiter!
Le Conseil fédéral par exemple rejette l’idée d’un splitting (réduction du taux d’imposition pour les couples), parce que le deuxième revenu continue d’être ajouté au premier au lieu d’être imposé séparément – mais personne ne s’en plaint au niveau cantonal.
En fait, tout changement de système va forcément en avantager certains et en désavantager d’autres. Tout dépend si le couple dispose d’un revenu ou de deux, et dans ce dernier cas si ceux-ci sont égaux ou très différents. Actuellement, l’IFD d’un couple à deux revenus égaux peut être plus de deux fois supérieur à ce qu’il serait pour deux concubins, alors qu’un couple à un seul revenu économise environ mille francs d’IFD.
La proposition du Conseil fédéral supprime le barème actuel pour les couples mariés et ne laisse qu’un barème unique, un peu moins progressif que l’actuel jusqu’à 80 000 francs. À noter qu’il existe une variante qui prévoit une nouvelle déduction dégressive pour écart de revenu (art. 35 al. 1 bis LIFD), mais alors le barème est moins réduit. Dans les deux cas, cette générosité a un coût, de plus ou moins un milliard, dont 21.2% sera à charge des cantons – et le taux maximum de l’IFD pour les personnes physiques reste à 11.5%.
Une conséquence secondaire de l’imposition individuelle est que les retraits de capitaux de prévoyance (2e ou 3e pilier) ne seront plus additionnés entre deux conjoints. Ils pourront ainsi retirer chacun un capital la même année en payant moins d’IFD. Pour un retrait unique en revanche, le montant d’IFD augmentera puisqu’il sera calculé sur la base du barème individuel et non plus pour époux.
Un autre aspect amusant de l’imposition individuelle est son impact sur l’imposition selon la dépense. Actuellement, les deux époux doivent en remplir les conditions pour en bénéficier, et notamment aucun des deux ne doit travailler en Suisse. Cette condition disparaît avec l’imposition individuelle et chaque conjoint pourra vivre sa vie fiscale comme il le souhaite. Et un forfait fiscal ne sera plus calculé sur les dépenses du couple, mais uniquement de celui ou celle qui en bénéficie…
Pour finir, le Conseil fédéral dans son rapport explicatif reconnaît que «l’introduction de l’imposition individuelle mettrait donc le système fiscal en contradiction systémique avec d’autres domaines du droit». En effet, les rentes AVS continuent d’être plafonnées à 150% pour un couple, et les salaires des deux conjoints sont répartis 50/50 pour calculer le montant des rentes. Les avoirs de prévoyance LPP doivent aussi être partagés en cas de divorce avant la retraite. Et quid des subsides d’assurance-maladie, ou des tarifs des crèches, qui dépendent du revenu de la famille?
De beaux débats en perspective!

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Fiscalité – Aspects choisis de l’imposition individuelle
Sous la pression d’une initiative populaire, le Conseil fédéral a encore un peu plus d’un an pour proposer une façon de supprimer la discrimination fiscale du mariage.