
C’est fini! Les derniers promeneurs ont quitté les allées d’Artgenève. Les différents galeristes peuvent commencer à faire leurs calculs. Pour beaucoup d’entre eux, l’arithmétique semblera un exercice plutôt plaisant. Au départ, certains se cherchaient de bonnes excuses, en cas d’année blanche ou négative. Il y aurait eu la guerre en Ukraine, qui venait de commencer quand la foire a eu lieu en mars 2022. Il eut été possible d’incriminer la Bourse, qui est tout de même remontée de 250 pourcent depuis le krach de 2008. Elle a ainsi atteint des sommets inédits en 2021. On aurait pu, pourquoi pas, accuser le pessimisme né de l’angoisse climatique. Il existe toujours un ou une coupable à désigner, puisque ce n’est jamais soi-même…
«Quand on participe à un salon, il faut savoir qu’on s’engage dans une course de fond. Il faut venir plusieurs années de suite.»
Et puis au final, tout s’est bien passé. Bien sûr, il n’y a pas eu la frénésie de l’an dernier, née d’un sentiment de privation durant vingt-quatre mois. Il faut en plus dire que les foires ont recommencé de plus belle, et que l’on saura bientôt plus sur quel portable suivre les innombrables ventes aux enchères internationales. Impossible par ailleurs d’acheter tout le temps. Et pourtant, plusieurs galeristes ont très bien vendu. J’en ai même rencontré un, genevois, qui a tout (je dis bien tout!) écoulé en cinq jours. «Mais ne donnez pas mon nom pour ne pas compliquer mes rapports avec les autres.» Il faut dire que la maison en question aura fait les onze éditions d’Artgenève. Un rapport de compagnonnage. Comme me le rappelait Rosa Turetsky: «Quand on participe à un salon, il faut savoir qu’on s’engage dans une course de fond. Le marchand doit peu à peu apprivoiser le public. Lui donner confiance. Je compterais trois ou quatre présences successives avant que les choses démarrent vraiment.»

Les clients se sont du coup sentis des ailes. Chez la Genevoise Laura Gowen, un triptyque de 410 centimètres de larges, divisible Dieu merci en trois parties, a séduit dès la première heure. Cette œuvre de Muriel Rodolosse partira pour Lyon. «J’ai aussi vendu des œuvres plus petites, dont une photo de James Nachtwey.» Les Ditesheim & Maffei estiment avoir fait un salon très correct. Dans le moderne haut de gamme, Applicat & Prazan a finalement effectué cinq ventes à au moins six chiffres. Xippas se déclare content avec les départs de choses plus ou moins importantes. L’une des deux énormes boîtes du Genevois Thomas Lieu le Lann est ainsi réservée. Il faut aussi dire qu’elle porte l’inscription «Good Luck»! Plus traditionnelle de goût, Catherine Duret se déclare satisfaite. Il en va de même des «marginaux». Le stand de Balthazar Lovay (The Living-Room) regroupant des galeries susceptibles de venir un jour à Artgenève (1) a trouvé des amateurs. Il s’en est du reste aussi trouvé, non loin de là, pour réaliser des emplettes chez quelques-uns des antiquaires invités par la foire à titre d’échange de bons procédés. Ils ne seront pas venus pour rien.
Les emplettes du Mamco
Le Mamco a pu procéder comme chaque année à quelques acquisitions. On sait que le musée local d’art contemporain présente un stand vide qui doit peu à peu se remplir. Le minimalisme a tout de même ses limites. J’y ai vu au final une pièce de General Idea, un des chouchous de la maison, comme une toile de Louisa Gagliardi (formée à l’ECAL lausannois) où l’ordinateur semble être beaucoup intervenu. Il y avait aussi, au fond, une étagère signée Haim Steinbach. Cette pièce, typique de l’artiste américain, ne m’en a pas moins laissé perplexe. Ah, dernière chose! J’ai constaté un trou sur un stand. Je ne me souviens plus au juste duquel. Un vrai trou. Il ne restait au mur que les crochets. L’acheteur a voulu repartir très vite avec «sa» photo (après l’avoir je suppose payée). Il y a toujours comme ça des gens pressés!
(1) Dont De Jonckheere, qui a pourtant pignon sur rue dans la Vieille Ville genevoise.
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Marché de l’art – Artgenève finit avec le sourire commercial
Tout se sera dans l’ensemble bien passé, en dépit des craintes ambiantes. Une galerie genevoise a même vendu l’intégralité de son stand.