
Et c’est reparti pour une trentième édition d’Art en Vieille Ville! Pas d’averse diluvienne comme deux jours avant. Aucune grêle à l’instar de la veille. Mais une température résolument frisquette pour le mois de mai. On en venait à préférer le jeudi 5 mai les mots de «désordres climatiques» à ceux de «réchauffement terrestre». Peu importe, dans la mesure où onze galeries et deux de ces librairies anciennes que les Germaniques appellent des «Antiquariat» proposaient des accrochages en principe nouveaux. Il y avait en plus de bonnes choses. J’en ai retenu quatre pour vous. Comme vous l’auraient naguère dit vos mamans et grands-mamans protestantes, «il ne faut jamais abuser des bonnes choses.»
Gowen Contemporary
Gowen Contemporary, pour commencer. Il n’y a finalement plus là James Nachtwey, comme annoncé. A 74 ans, l’Américain a repris du service comme photographe de guerre. Il se trouve comme vous pouvez l’imaginer en Ukraine. Une grande exposition l’attend en plus à New York. Laura Gowen a donc déplacé son hommage, qu’elle a remplacé par une collective intitulée, en clignant d’un œil, «Waiting for Jim». Il y a qu’une seule image, celle des Twin Towers en 2001, de Nachtwey. Gravitent autour des œuvres de Don McCullin, Aurélie Pétrel (très mode Aurélie Pétrel!), de Davide La Rocca ou de Ma Sibo. L’accent se voit résolument mis sur Claude Cortinovis, que j’ai connu artiste émergent, puis jeune artiste et enfin artiste tout court. L’amateur retrouvera les œuvres sur papier qu’exécute le Genevois avec une méticulosité folle sur un fond quadrillé par ses soins. Allez-y rien que pour lui!
Rosa Turetsky
Non loin de là, dans la Grand-Rue, Rosa Turetsky accueille pour la huitième ou neuvième fois Isa Barbier. La dame aux plumes. Pas celle du music-hall, à l’instar de Régine qui vient de mourir. La Française ramasse sur le sol ce qui va plus tard lui servir à de grandes compositions basées sur une forme simple, comme le cercle. Elles se verront suspendues par des fils invisibles au plafond, qui leur laisseront toute liberté de bouger. Ce sont des constructions en tous points aériennes. Il a fallu cette fois trois jours à trois personnes pour mettre en place ce matériel arrivé en Suisse dans des petites boîtes. Je vous recommande la grande couronne du sous-sol, où des dégradés de couleurs allant du blanc au beige donnent une impression de profondeur physique. Et notez qu’Isa utilise parfois maintenant un filin tordu autour de la plume et non pas de la cire.
Sonia Zannettacci
Pierre Alechinski opère, lui, son retour chez Sonia Zannettacci. Le Belge crée la surprise en ne répondant pas au programme annoncé. J’attendais comme tout le monde de petites pièces créées sur des papiers anciens, dont les écritures transparaissent sous de nouveaux motifs. Eh bien pas du tout! Le dernier membre actif du groupe Cobra de l’immédiat après-guerre a finalement décidé de ressortir une série de 2003. Il s’agit de «L’enfance de la majuscule». Elle se compose comme il se doit de vingt-six pièces. Les lettres de l’alphabet. Au départ, il y avait une eau-forte à la couleur changeante selon les tirages. Est ensuite venu, à la place du motif central, un fond noir. Sur celui-ci, Alechinski a placé des découpages opérés dans du carton. Un peu comme pour les «papiers découpés» d’Henri Matisse. Le monotype est alors tiré. Il en sort un prodige d’invention respirant la jeunesse. Je précise qu’en 2003, Pierre Alechinski ne comptait encore que 76 ans.
Galerie Grand-Rue
Aucun changement de programme en revanche à la Galerie Grand-Rue, où le style créé par Marie-Laure Rondeau apparaît désormais bien rodé. Les accrochages tournent ici sur les vues aquarellées ou gravées de la fin du XVIIIe siècle ou des débuts du XIXe. Il y a la version alpestre, avec des paysages suisses. Dans un effet de chaud-froid, les glaciers sublimes laissent régulièrement la place à des volcans italiens. Le Vésuve en particulier. La galeriste propose cette fois un «Voyage en art suisse» avec des feuilles encadrées (ou non) de Carl Hackert, Louis-Abraham Ducros, Jean-Pierre Saint-Ours ou Wolfgang Adam Töpffer. Proposées à l’époque aux voyageurs, elles offraient de notre pays une vision quelque peu idéalisée, même si l’urbanisation a commis depuis beaucoup de dégâts. Les malheurs du monde y ont été évacués. Il me semble juste avoir aperçu «un retour du soldat suisse», à l’activité forcément mercenaire. Il faut bien quelquefois rêver.
Pratique
Art en Vieille Ville, 30e édition», Divers lieux dans la ville, Genève. Portes ouvertes le samedi 7 mai de 111h à 17h. Site www.avv.ch Les galeries reprendront ensuite chacune leur horaire propre.

Né en 1948, Etienne Dumont a fait à Genève des études qui lui ont été peu utiles. Latin, grec, droit. Juriste raté, il a bifurqué vers le journalisme. Le plus souvent aux rubriques culturelles, il a travaillé de mars 1974 à mai 2013 à la "Tribune de Genève", en commençant par parler de cinéma. Sont ensuite venus les beaux-arts et les livres. A part ça, comme vous pouvez le voir, rien à signaler.
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Galeries genevoises – Art en Vieille Ville propose sa trentième édition
Il y a là onze galeries et deux librairies. Je vous propose quatre expositions choisies en toute liberté. Elles vont d’Isa Barbier à Pierre Alechinsky.