
C’est la cinquième fois. Walter Schmid constitue une des découvertes de Joseph Farine, le galeriste sans lequel Genève manquerait un peu d’originalité. Depuis quarante ans aux commandes de son laboratoire Antata Ritorno, l’homme propose des créateurs que l’on ne voit nulle part ailleurs. Il sait les promouvoir, puis s’applique à les soutenir. Le tout sans ambitions commerciales. L’actuelle exposition de Walter Schmid dans le local de la rue du Stand se révèle d’ailleurs au propre invendable. Il s’agit d’une fresque peinte à même le mur des deux pièces, de taille inégale, qui composent son local. L’œuvre s’intitule «Le grand envol». Elle s’envolera ainsi après le 15 octobre. Une couche de dispersion blanche, une de plus, rendra aux cimaises leur virginité. Il ne restera physiquement de cette création qu’une mince brochure, en noir et blanc comme le veut la logique. Schmid n’utilise en effet que ces deux couleurs. Car, comme nous le rappelle l’historien Michel Pastoureau, il s’agit bien là de couleurs comme le jaune, le vert ou le rouge.
Une chorégraphie dans les airs
«Le côté éphémère de cette peinture me satisfait complètement», explique le peintre, qui n’est plus précisément un jeune homme. «Il répond à la fois au concept et au sujet.» Un vol d’oiseau court en effet le long des parois, en couvrant légèrement le plafond d’une ou deux ailes. «Les grues se posent. Elles semblent se concerter un moment. Puis des milliers de spécimens repartent selon une chorégraphie bien organisée. D’un coup, il n’y a plus de vie au lac artificiel du Der, où j’ai observé ces grands oiseaux dans le nord de la France. Mes peintures peuvent donc aussi disparaître.» Il aura fallu dix ans pour que l’artiste puisse décomposer avec justesse les mouvements. Il les a ainsi restitués cet été, sur une invitation de Joseph Farine. «Je confie toujours mon espace en juillet et en août à un artiste en résidence.»
«Les grues se posent. Elles semblent se concerter un moment. Puis des milliers de spécimens repartent selon une chorégraphie bien organisée. »
Les amateurs ont donc encore trois semaines pour découvrir cet «Envol». Je rappelle que son auteur donne généralement dans des expressions plus brutales. On a vu de lui, parfois exécutés sur des bâches, des boxeurs comme des rhinocéros, des aigles ou des camions. Avec toujours la même vigueur et la même monumentalité. «Je conserve du coup chez moi beaucoup de tableaux énormes», confie Walter Schmid. «J’ai encore un peu de place libre. Mais il faudra bien trouver un destin à tout cela. Soit je rencontrerai quelqu’un à qui le donner, soit je me verrai contraint à détruire l’ensemble.» Une perspective qui semble peu effrayer le Genevois. «Mon vrai bonheur, c’est de travailler. L’important se situe par conséquent dans le moment présent. Moins après.»
Pratique
«Walter Schmid, Le grand envol», Andata Ritorno, 37, rue du Stand, Genève, jusqu’au 15 octobre. Tél. 078 882 84 39, site www.andataritornolab.ch Ouvert du mercredi au samedi de 14h à 18h.
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Art contemporain – Andata Ritorno offre un Walter Schmid éphémère
Joseph Farine a confié son espace genevois cet été à l’artiste, qu’il avait déjà montré quatre fois. L’invité propose un vol de grue sur les murs.