Cette semaine rencontre avec Isabelle Cohen Solal, Experte en Finance Durable, Membre du CA du Centre Neuchâtelois de Psychiatrie, Présidente de son Comité Finances et Membre du Conseil Consultatif de Bouygues Energies & Service. Elle est par ailleurs Membre du Comité du Cercle Suisse des Administratrices.

Comment êtes-vous devenue administratrice? Veuillez décrire en quelques lignes les principales étapes de votre parcours qui vous ont permis d’accéder à la fonction d’administratrice.

Après des études de commerce en Angleterre et un Master de Finance en France, je suis devenue la plus jeune femme Gérant de Fonds dont un fond durable sur la place financière de Paris en France. En 2000, je me suis installée à Genève et ai rejoint une Banque Privée. Puis en 2006, j’ai géré l‘équipe de Sélection de Fonds d‘une banque étrangère en Suisse. Ensuite, j’ai rejoint la société Swisscanto pour assurer la gestion de l’entité Romande. À l’issue du rachat par la Zürcher Kantonalbank, je suis devenue Vice-présidente, Responsable des Relations Bancaires pour la Romandie et le Tessin ce qui m’a permis de participer à de nombreux comités de direction sur la stratégie et la mutation du business model dans un contexte de marges en baisse. Depuis 2019, j’assure des missions spécifiques pour institutionnels et accompagne des start-up dans les domaines variés de la finance durable, l’immobilier et le strategic business development. C’est cette vision transversale ainsi que mon parcours international qui m’ont permis d’accéder aux mandats de plusieurs Conseils d’Administration.

Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans cette fonction?

J’ai toujours assumé d’importantes responsabilités dans mes différents postes. Après l’analyse des informations, il faut faire des choix clairs pour permettre à l’exécutif de les implémenter. La solidarité avec l’actionnariat et l’exécutif me motive dans un contexte de confiance et d’intelligence collective. La communication est un des maîtres mots de ce processus. L’impact décisionnel et la vision à long terme sont passionnants.

Quelles sont les compétences clés et la valeur ajoutée que
vous apportez au CA?

Tout d’abord, j’apporte ma transversalité. Forte de mon sens de l’analyse, acquis lors de mes années de gestion, je comprends les situations. Finance, Durabilité, Conformité et Gouvernance sont mes compétences clés et sont inscrites dans ma manière de fonctionner, de réfléchir et de proposer de nouvelles idées. Ma curiosité m’amène à m’intéresser à tout, y compris aux technologies. J’avoue avoir un côté «geek» qui me pousse aussi vers les questions de cybersécurité. Ainsi, j’apporte un angle différent car je cherche d’autres approches pour la résolution de problèmes.

Quelles sont les difficultés de cette fonction, les défis que
vous avez rencontrés?

Comme dans toutes organisations de société, ce sont les difficultés d’écoute active, d’empathie et de communication qui compliquent les processus. L’hétérogénéité de motivation, de savoir et de reconnaissance sont également des écueils à adresser. Offrir du recul et une vision d’ensemble à la Direction Générale font la valeur de la fonction d’Administratrice. Le bon dosage de cette distance vis-à-vis de l’opérationnel est essentiel: avoir une vision long terme mais connaître les préoccupations de la DG. Il est aussi nécessaire de témoigner à la DG son soutien bienveillant et sa disponibilité.

Quelle est votre meilleure bonne pratique en termes
d’obtention de mandat dans les CA?

L’authenticité de la démarche est primordiale. Je suis volontaire, motivée et je souhaite que cela se voit dès le premier contact: je propose des compétences qui doivent correspondre aux besoins du CA. Il est essentiel de pouvoir consacrer le temps nécessaire à cette fonction pour l’étude des dossiers et les échanges entre membres du Conseil d’Administration. Informer régulièrement mon réseau de mes activités, est un atout fondamental dans l’obtention de mandat. Pour l’obtention de mes deux derniers mandats, j’ai été contactée sur recommandation. Ces personnes me connaissent et savent ce que j’apporte à un conseil d’administration car elles m’ont vu à l’œuvre. Ensuite, le processus classique d’entretiens d’évaluation s’est déroulé positivement.

Quelles sont les grandes préoccupations actuelles des organes stratégiques des entreprises?

L’actualité dicte l’agenda: cette année en particulier, il s’agit de gérer l’après-Covid comme s’il n’avait jamais existé, reprendre les projets qui avaient été suspendus pendant le confinement, poursuivre la digitalisation des différentes activités, promouvoir l’humain et surtout la durabilité à tous les niveaux. Par exemple, une récente visite des locaux d’une entité pour laquelle je suis membre du CA a montré à quel point le contact direct, sans intermédiaire technologique a valorisé les échanges spontanés, comme reconnaissance de l’importance de chaque collaborateur-rice. Cela rappelle aux Membres du Conseil d’Administration que dans la Gestion de l’urgence, il y a de nombreuses étapes: allant de la préparation, à l’événement et à sa suite.

Que manque-t-il pour que les CA d’entreprises suisses comptent davantage de femmes?

Les femmes sont compétentes, prêtes et convaincues, même si elles sont hésitantes par habitude. Il manque la volonté de tous. Les présidences actuelles des CA doivent avoir le courage de les nommer. Je dis courage car l’inconscient collectif continue de penser que c’est une prise de risque supplémentaire de mandater une femme: celui de ne pas correspondre à l’esprit du CA existant. Amener de la diversité est un acte engagé et qui apporte beaucoup de richesse et d’intelligence. Les auditeurs et Conseillers Stratégiques du monde entier l’ont prouvé par des études de toutes sortes. Il faut remettre en cause le «on a toujours fait comme ça». Rien n’est plus essentiel que de savoir le pourquoi des décisions et des nominations en particulier.

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