America’s CupAlinghi met tout en œuvre pour gagner
Après avoir officialisé son projet de reconquête de l’aiguière d’argent l’hiver dernier, l’écurie Alinghi Red Bull Racing vient de dévoiler son team sportif et ses ressources technologiques. Point sur les forces en présence.

Pour viser une victoire à l’America’s Cup, il faut des moyens financiers importants, les meilleurs régatiers du pays, une équipe d’ingénieurs navals expérimentée et des boatbuilders aptes à mettre en œuvre de l’ingénierie innovante. L’écurie Alinghi Red Bull Racing (ARBR) connaît ces conditions et s’est organisée en ce sens, avec une structure tricéphale: Michel Hodara aux affaires commerciales, Pierre-Yves Jorand à la direction sportive et Silvio Arrivabene à la partie technique. Les navigants sont rompus à l’art du foiling – le vol sur l’eau grâce à des ailerons immergés – et sont encadrés par les coaches les plus expérimentés du monde.
D’ailleurs, la présence de la légende néo-zélandaise de l’America’s Cup, Dean Barker, à la SNG, durant le Bol d’Or Mirabaud, à la mi-juin, laisse entendre qu’une attention particulière a été portée à ce point. Le meilleur chantier naval du pays a en outre été acquis (lire encadré), et le design team, constitué d’une équipe internationale, dispose des compétences adéquates pour développer un voilier capable de faire la différence sur l’eau.
Coordonner les savoirs
Dirigée par l’Espagnol Marcelino Botin – qui a déjà dessiné auparavant les défis du Team New Zealand, de Luna Rossa et d’American Magic –, la formation peut compter sur la jeune Suissesse de 26 ans Aurore Kerr, ingénieur en mécanique de l’EPFL. «Après mon master, j’ai intégré pour un stage American Magic, challenger du New York Yacht-Club lors de la dernière coupe, raconte-t-elle. J’ai enchaîné avec le projet SP80 de l’EPFL, qui vise le record absolu de vitesse à la voile. Puis Steven Robert, l’ingénieur structure qui était mon maître de stage, m’a proposé de rejoindre ARBR. Ça ne se refuse pas!»
En charge des questions structurelles liées aux appendices, foils et safrans, la jeune ingénieur explique de quelle marge de manœuvre dispose le design team pour développer ses idées: «La jauge nous impose un cadre assez strict, mais on peut jouer à l’intérieur de ce cadre. Il faut surtout savoir lire les règles et les interpréter, car ça se joue beaucoup à ce niveau.»
Des synergies avec l’EPFL sont bien sûr en discussion. «Le calendrier académique doit pouvoir s’accorder avec celui de la coupe, poursuit Aurore Kerr. Nous avons des personnes dédiées qui mettent en place ces collaborations. L’école dispose d’outils de recherche incroyables et il y a évidemment des choses à développer ensemble qui restent à déterminer.»
«[…] la région regorge de PME intéressantes. Le développement de l’impression 3D permet d’avoir de nouvelles perspectives et il y a toutes les compétences dont nous avons besoin autour de nous.»
Côté opérationnel, le chantier, qui a gardé l’équipe de Décision SA, peut compter sur la longue expérience de Jean-Marie Fragnière, responsable de la construction, technicien présent sur tous les projets de Décision SA depuis la fin des années 90. Il relève la question du timing comme le principal défi. «Il faut être juste, pas en avance, pas en retard. Se donner la place de faire un maximum de design, sans mettre en péril les délais de mise en œuvre. J’ai travaillé sur trois projets d’America’s Cup et, à chaque fois, la question du calendrier était déterminante.»
Jean-Marie Fragnière souligne encore l’importance du réseau d’artisans à proximité. «Avec tout ce que nous avons fait ici, on sait à qui s’adresser et la région regorge de PME intéressantes. Le développement de l’impression 3D permet d’avoir de nouvelles perspectives et il y a toutes les compétences dont nous avons besoin autour de nous.»
Le poids des détails
La collaboration entre Alinghi et Red Bull a aussi été développée pour que les savoir-faire de la F1 puissent être intégrés à ceux de la voile. Connor Darby, ingénieur système, transfuge de l’écurie quatre fois titrée au niveau mondial, travaille notamment à développer ces synergies. «À ce stade, on ne sait pas encore où les échanges vont être les plus intéressants. Mais nous pouvons intervenir tant en aérodynamique qu’en contrôle de systèmes ou en électronique. Les choses doivent se dessiner au fur et à mesure de notre avancement.»
L’écurie Alinghi Red Bull Racing est toujours en phase de constitution et des recrutements sont encore en cours, que ce soit au management, au design ou à la construction. Ce que nous avons pu observer démontre, comme on s’en doutait, que le chemin pour construire une victoire à l’America’s Cup est à la hauteur des ambitions du team. La victoire se jouera sur des détails, un savoir-faire tout helvétique, justement.
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