Horlogerieà la recherche de la formule magique pour créer une icône
S’il n’existe pas de recette miracle pour qu’une montre devienne mythique, trois ingrédients semblent indispensables pour accéder à ce statut: qualité, innovation et simplicité.

Daytona, Nautilus, Royal Oak, Speedmaster, Tank, Serpenti… autant de pièces devenues iconiques dont la valeur marchande ne fait qu’augmenter. Elles sont un atout primordial pour les marques qui les commercialisent, générant l’envie chez celles qui n’ont pas la chance de disposer d’un tel modèle au catalogue. Comment expliquer qu’une montre devienne mythique alors que d’autres demeurent dans l’ombre? «Malheureusement, il n’existe pas de recette magique», tranche d’entrée de jeu Fabrizio Buonamassa Stigliani, directeur de la création des montres Bulgari. «On ne dessine pas une icône, seul le temps peut y contribuer, abonde Manuel Romero, patron de l’agence de design White. Une montre devient iconique presque à l’insu de ses concepteurs.»
Les ingrédients d’un succès
L’ingrédient principal d’une icône semble donc être sa résistance à l’épreuve du temps. Cocasse, s’agissant d’un objet voué à le mesurer. «Ce n’est pas quelque chose que l’on décide, même si on le recherche. Ce qui fait la beauté et le statut d’une icône tient dans sa relation au temps qui passe et qui va forger son statut. Comme une capsule temporelle, celle-ci fige un instant précis pour devenir intemporelle, perdurer et traverser les modes», poursuit Manuel Romero.
«Pour devenir iconique, une montre doit être différente, innovante. Il s’agit de créer un nouveau segment de marché ou de changer la manière dont on utilise un produit.»
Quels autres ingrédients s’avèrent alors indispensables? «Le premier élément tient bien sûr dans la valeur intrinsèque du produit, sa grande qualité de base. Aucun modèle médiocre n’a jamais accédé au statut d’icône», pointe Manuel Romero.
Vient alors l’innovation. Selon Fabrizio Buonamassa Stigliani, «pour devenir iconique, une montre doit être différente, innovante. Il s’agit de créer un nouveau segment de marché ou de changer la manière dont on utilise un produit. Cela induit souvent une esthétique également novatrice.» Selon lui, il faut avoir le courage de digérer l’ADN de la marque pour le recréer. «La Bulgari Bulgari a été la première montre à afficher un logo sur la boîte. La Reverso a été la première montre qui pouvait servir des deux côtés. La Daytona a été l’un des premiers chronos en acier avec les poussoirs vissés, offrant une facilité d’utilisation inédite. La Royal Oak a fusionné la montre sport et la montre chic, pour la première fois, en acier. Pour moi, le plus grand héritage de son designer Gérald Genta n’est pas la forme octogonale, mais l’intégration entre le bracelet et la boîte.»
«Il faut des montres simples. Si l’on compare avec le premier iPod d’Apple, il était si facile à utiliser qu’il a changé notre façon d’écouter de la musique.»

Encore faut-il que ces innovations soient utiles et compréhensibles par le client. «Il faut des montres simples. Si l’on compare avec le premier iPod d’Apple, il était si facile à utiliser qu’il a changé notre façon d’écouter de la musique. Si l’on parle d’autres types de montres légendaires, telles qu’un quantième perpétuel ou grande sonnerie, leur boîtier est par définition beaucoup plus épais, ce sont des objets que l’on ne porte pas tous les jours. À l’inverse, les montres iconiques dont nous parlons, les Bulgari Aluminum, les Daytona, les Royal Oak, et autres, ont toutes en commun le fait d’être utilisables au quotidien.»
«Un autre critère qui aide fortement: naître au sein d’une grande marque», poursuit Manuel Romero. Il est rassurant de savoir que les montres iconiques et les marques qui les fabriquent sont là depuis et pour longtemps.
Au bon moment
Sans oublier le timing. «L’histoire du design est truffée de produits dont la valeur n’a été reconnue que plusieurs décennies après leur lancement. Prenons l’exemple de la Royal Oak ou de la Nautilus. Elles ont connu un accueil très mitigé lors de leur lancement. Elles étaient trop en avance, pas comprises, abonde Fabrizio Buonamassa Stigliani. Les designers imaginent aujourd’hui les produits qui arriveront sur le marché dans quatre ou cinq ans. Il s’agit de prévoir dans quel sens les goûts et les attentes vont évoluer. Si l’on devait les montrer au client à ce stade initial de la création, il est fort probable qu’il trouverait le produit bizarre ou ne le comprendrait pas.»
Les clients d’aujourd’hui recherchent les montres qui les faisaient rêver lorsqu’ils étaient jeunes, qu’ils voyaient aux poignets de leur père ou grand-père. «Il faut une part d’entraînement de groupe. Cela rassure de savoir que ce modèle est valorisé et porté par d’autres, cela crée un sentiment d’appartenance. Il faut qu’elle soit vue au poignet de prescripteurs, et aujourd’hui sur les réseaux sociaux, estime Manuel Romero. Lorsqu’elles sont nées, les icônes d’aujourd’hui proposaient déjà des identités fortes et un design reconnaissable. Mais il leur a malgré tout fallu trente ans pour accéder à ce statut.»
Réponse dans trente ans

Quid du futur? Lorsqu’il a été demandé à Fabrizio Buonamassa Stigliani de redessiner la légendaire Bulgari Octo Roma pour en faire une montre ultraplate, ce statut d’icône planait comme une ombre sur le projet. «J’ai répondu qu’il fallait simplement changer les proportions, puisque l’on allait y insérer un mouvement plat. Je ne tiens pas particulièrement à redessiner des montres qui sont déjà iconiques. Si elles le sont, c’est bien parce qu’elles sont parfaites ainsi.»
L’Octo Finissimo deviendra-t-elle iconique? «Il est clair qu’elle révolutionne la façon de porter une montre ultraplate en disposant d’un bracelet métallique, d’une seule matière pour tous les éléments et un style à l’italienne. Nous verrons dans les trente ans comment le marché réagira.»
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