«Travailler, c’est trop dur...»
« …et voler c’est pas beau, d’mander la charité c’est quéqu’chose, j’peux pas faire … ». Ce refrain de Zachary Richards s’adapte parfaitement à la saison des vacances. Enfin un moment de l’année qui ne nécessite pas uniquement sérieux, engagement et performance. Les mois de Juillet et d’Août sont traditionnellement des périodes d’activités réduites, de repos et de décompression.
Alors, avant de partir à la plage, en randonnée, ou tout simplement de rester tranquillement chez soi, posons-nous une question importante :
« De quoi le travail est-il le nom ? » Cette interrogation semble simple, adaptée au rythme de pensée d’une fin de journée bercée par le son des grillons et l’effet du vin rosé, et pourtant elle est fondamentale pour tout manager...
« De quoi le travail est-il le nom ? » : pendant longtemps, les entreprises ont « acheté » du temps et de la disponibilité. Elles se sont attachées de la présence physique. D’ailleurs, ces règles anciennes survivent encore aujourd’hui dans de nombreux codes du travail. Le contrat qui lie l’entreprise et le salarié définit – encore – les fameuses « heures de travail ».
Mais cela fait-il encore du sens ? Probablement non, et certainement de moins en moins. Les managers qui traquent encore la présence ne se rendent pas compte qu’ils sont en retard d’une guerre, ou – au mieux – en train de reproduire un système de valeur qui a explosé il y a déjà pas mal de temps.
« De quoi le travail est-il le nom ? » Si la présence et l’effort physique ont longtemps prévalu pour caractériser le travail, il n’en est désormais plus rien. Le travail a muté pour se transformer en un concept bien plus vaste, voire plus vague.
Le développement des activités tertiaires, combiné avec le progrès technologique ont transformé le visage du travail salarié. L’entreprise « n’achète » plus de la présence, mais de la puissance intellectuelle. Le travail est de moins en moins un effort physique, et de plus en plus une mise à disposition d’une capacité à réfléchir, conceptualiser, créer ou penser.
Si la présence physique peut aisément se contrôler, il n’en est pas de même avec la disponibilité intellectuelle. Regardez votre collègue si attentif en meeting. Il pense à la soirée qui s’annonce et se demande pourquoi votre réunion est si ennuyeuse. Et cet autre en pleine « conference call ». Son écran est branché sur CNN, il regarde les informations. Ou encore cette équipe qui semble si intéressée par vos propos. Elle n’en retiendra que 10%, le reste disparaîtra tellement vite...
L’entreprise a essayé de contrôler le travail pendant des décennies.
Elle a cependant créé un système paradoxal. En délocalisant, l’économie occidentale a transféré le travail « physique » vers d’autres contrées pour se centrer sur le travail intellectuel. Mais elle défend – encore – des références passées. Il faut travailler 8 heures par jour ! Ah oui ? Et on contrôle comment ? Et comment faut-il évaluer le temps passé à répondre aux emails à la plage… ? Mais il y a encore pire... la mesure des heures de travail est basée sur le principe de l’égalité. Le temps de travail est le même pour toutes et tous.
Mais le temps d’usage du cerveau ne l’est pas. Il est fondamentalement inéquitable, inégal et injuste. Une personne passera 15 minutes pour préparer une présentation, là ou une autre aura besoin d’une heure. Pour une performance identique…
Enfin, l’usage du cerveau ne peut être contrôlé. J’espère qu’il ne le sera jamais. Donc, personne ne peut mesurer quelle place le « travail » occupe dans le système de pensée de chacun. Dans un espace ou les objectifs, les systèmes, les processus tendent à se développer et à s’intensifier, le cerveau reste un lieu de liberté, un champ du possible. L’intellectualisation du travail permet donc la distanciation. Le travail physique débouche sur des réalisations concrètes et approximativement mesurables (la productivité). Il permet aussi de contrôler la « dépendance » à l’organisation. « Je suis présent pendant X temps, et ce temps appartient à l’entreprise ».
Dans nos entreprises, cette dépendance est désormais toute relative. Je suis là, mais y suis-je vraiment ?
« De quoi le travail est-il le nom ? » La réponse finale est probablement « je ne sais plus trop bien... ». Mais les leaders doivent désormais intégrer cette dimension. C’est ce qui rend leur « travail » si complexe. Ils doivent s’assurer de l’usage optimal de la puissance intellectuel de leurs collaborateurs. C’est ce que l’on appelle l’engagement, la motivation, ou l’adhésion.
Il n’y a rien de plus dur.
C’est parfois épuisant, et cela nécessite donc de pouvoir se reposer.
« Travailler c’est trop dur, contrôler c’est quéqu’chose j’peux plus faire »
« Chaque jour que moi j’vis, on demand’ ce que j’fais »
« J’dis que j’manage et que c’est dur ! Et j’espère de l’faire bien… »
Bon travail à toutes et à tous.
Et surtout, bonnes vacances !