Ca y est, l’année a commencé.Je suis tranquillement assis en train de passer en revue des évaluations de performance, quand soudain un de mes petits garçons vient s’asseoir à côté de moi.
Lui : « Tu fais quoi Papa? »
Moi : « Je lis des évaluations. »
Lui : « C’est quoi des zeeevaluations. »
Moi ( en voulant trouver une réponse simple ) : « C’est comme tes notes d’école et tes bons points. »
Lui ( avec un brin de fierté dans la voix ): « Ahhhhhhhhh parce que les grands y zont zaussi des notes. Comme moi ! Et pi y se font gronder à la maison quand elles sont pas bonnes ? »...
Préparée avec attention depuis des mois par une fonction Ressources Humaines méticuleuse, la voici donc qui s’avance... Les managers commencent à transpirer et s’inquiéter au point de devenir insomniaques. Les employés, quant à eux, stressent. Et puis, il a ceux qui s’en fichent, et qui se la jouent détaché, genre « même pas mal ».
Bref, nous sommes en phase de l’évaluation. Le couperet annuel s’apprête à tomber...
Boum ( à imaginer : la chute ), Shlakkk ( à imaginer : la guillotine )...
Mais pourquoi donc cette période est-elle si terrible pour certains ?
Parce qu’elle est chargée d’émotions, de peur, de tensions et nous renvoie aux heures les plus sombres de notre enfance en culotte courte !
Le rituel de l’évaluation est pratiqué par tous. Préparation, entretiens, feedback, documentation et notes. La logique est implacable. Depuis des générations, les formateurs envahissent les salles de formation avec le fameux « SMART ». Le mot magique est censé régler tous les problèmes. Sans lui, pas d’objectif, pas d’évaluation, pas d’objectivité. Et depuis tout autant de temps, il y a toujours des managers qui donnent l’impression qu’ils… s’en « tapent ».
« Dois faire mieux », « dois vendre plus», «dois mieux se comporter». Bref, le Simple, Magique, Artistique, Régulier et Tendre ne marche pas (PS : je ne suis plus vraiment sûr que ça soit ça …). Mais qu’importe. On continue.
On appelle alors au secours la technologie. Le « système » entre en jeu. Online, virtuel, cloudé , global et avec de la mémoire. « Ça » aussi, vous connaissez. Tout y est écrit. Les objectifs, les compétences, les balance scorecard, les K.P.I., et j’en oublie.
Bref, le miracle. Enfin, surtout pour ceux qui les vendent...
Finalement, pour améliorer leur process, certaines entreprises investissent des millions, d’autres gardent le même avec un secret espoir du genre « pourvu que ça tienne » ! Et puis, il y a celles qui ont voulu changer mais ont fait faillite avant d’y arriver... Enfin, pour d’autres, le « système de performance m’a tuer ».
Chez elles, le système de management de la performance a construit des comportements dangereux. Aujourd’hui, elles sont les premières à remettre en cause ce monument du leadership.
Trêve de plaisanteries. En 2014 la révolte gronde. Enfin.
De plus en plus de sociétés remettent en cause la sacro-sainte évaluation de performance, héritage des années 80. Pourquoi ?
Parce que les entreprises ont changé. Elles sont plus complexes et interdépendantes que jamais. Elles adoptent des modèles d’organisation poreux et souples devenus incompatibles avec un management de la performance rigide et mécanique. Et les nouveaux entrants ne se retrouvent plus dans ce retour à l’école de grand papa…
D’autre part, la performance vraiment individuelle devient de moins en moins évidente à mesurer. L’héritage productiviste et stakhanoviste tend donc à s’épuiser. Au point que certains commencent à s’élever contre les conséquences de ces dispositifs ultra-individualistes et doutent de leur capacité à créer de la valeur collective et partagée. En fin de course, d’autres osent même remettre en cause les politiques de rémunération variable individuelle, en demandant le retour au bon vieux salaire fixe.
Pourtant, la mesure de la performance reste indispensable. Elle doit être désacralisée.
Il faut juste repenser sa finalité et sa valeur ajoutée. Combien de temps, d’énergie, de budget sont dépensés tous les ans pour faire marcher un « bidule » dont l’efficacité reste à prouver.
Alors, simplifions. Les vendeurs de solutions intégrées n’aimeront probablement pas la prochaine phrase : remplaçons l’outil par la confiance. Et maintenant au tour des vendeurs de calendrier : la performance est dynamique, et ne commence pas le 1 er janvier... Il faut réorienter cette énergie, la positiver et l’alléger.
Commençons par couper le lien entre évaluation et salaire. Ensuite, cassons la logique calendaire. Enfin, éliminons le mot « objectif », pour le remplacer par un terme plus centré sur le « comment », et moins sur le « quoi ».
Et acceptons que nos managers et nos salariés redeviennent des adultes responsables.
L’heure est venue de terminer ce billet d’humeur.
Ah oui, j’oubliais, je ne vous ai pas dit comment j’ai admirablement géré mon petit gars qui me challengeait sur les notes. J’ai replongé ma tête dans la lecture des évaluations, des rankings et des « merit increases ». Et j’ai répondu (dans un grand moment de solitude ) : « Bon, tu vas te brosser les dents et tu te couches ! »
Vivement le second trimestre qu’on change tout cela !
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.
«Dis Monsieur, dessine-moi la performance...»