Voilà dix ans exactement, votre serviteur publiait un livre* d’entretiens afin de comprendre les enjeux autour du secret bancaire. Le G20 menaçait alors la Suisse de finir sur une liste noire si elle ne mettait pas un terme à sa distinction entre fraude et évasion fiscale. Affaiblie par l’affaire Birkenfeld – du nom de cet ancien employé de banque américain d’UBS qui, en échange d’une centaine de millions de dollars, a activement collaboré avec les autorités fiscales et judiciaires –, la Suisse avait accepté de franchir le pas. Le conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz annonçait le 13 mars 2009 la fin de cette distinction subtile que les juridictions étrangères peinaient à comprendre. En réalité, ce jour-là on a enterré le secret bancaire, sans appeler un chat un chat.
Cette décision n’aura en rien calmé le jeu vis-à-vis de la place financière suisse. Bien au contraire. Désormais, la Suisse est la championne de l’échange automatique d’informations, ou plus exactement de «l’échange automatique de renseignements». La Suisse est ainsi «rentrée dans le rang». Pour ce faire, elle a sacrifié des dizaines de milliers de clients étrangers.
Elle a aussi communiqué des milliers de noms de collaboratrices et collaborateurs de banque, parfois de simples secrétaires, mais aussi d’avocats et d’employés de fiduciaires, aux autorités américaines. Des transmissions effectuées sous la menace qui ont eu comme conséquence concrète de mettre sur la touche de nombreuses personnes qui n’avaient pourtant rien à se reprocher vis-à-vis de leur employeur et de la loi suisse.
5000 postes biffés?
Le prix à payer ne s’arrête pas là. Comme l’a récemment rappelé une étude de KPMG sur le secteur de la banque privée suisse, à la fin du premier semestre 2019, on ne dénombrait plus que 101 banques privées en Suisse, comparé à 163 en 2010. L’UEB a été intégrée au sein de BNP Paribas, la RNB au sein d’HSBC, les activités de la Lloyds, mais aussi d’ABN AMRO ou encore de Coutts ont été reprises par l’Union Bancaire Privée, etc. On pourrait encore parler de Fortis, de la Banque Leumi ou de la Royal Bank of Canada. La liste est longue. Christian Hintermann, spécialiste du secteur bancaire chez KPMG, estime que d’ici à 2025, il ne devrait rester plus que 60 banques privées en Suisse!
En fait, l’accroissement des coûts et la diminution massive des marges rendent toujours plus compliquée l’exploitation de banques dont la masse sous gestion est inférieure à 5 milliards de francs. Tandis que quelques acteurs contribuent activement à la consolidation du secteur, à commencer par l’Union Bancaire Privée et la Banque Safra Sarasin, les grandes banques suisses multiplient les plans de restructuration. Les effectifs globaux d’UBS et de Credit Suisse ne cessent de baisser.
De quoi se demander si les craintes émises dans mon livre de 2009 par Jean-Pierre Béguelin, alors chef économiste chez Pictet & Cie, ne se sont pas révélées exactes. Ce dernier estimait fort plausible la disparition de 5000 postes de travail dans la Cité de Calvin. Rien qu’avec les deux grandes banques suisses, ce sont environ 1300 emplois directs qui ont disparu au bout du lac. Il n’y a eu quasiment que la Banque Pictet & Cie qui a vu ses effectifs se renforcer significativement. Elle a réussi à se réorganiser. Bref, si l’âge d’or est bel et bien fini pour la place financière suisse (et genevoise en particulier), il reste encore à inventer son futur.
* «Comprendre le secret bancaire», Editions Slatkine, 2009.
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La fin de l’âge d’or
Un spécialiste du secteur bancaire estime que d’ici à 2025, il ne devrait rester plus que 60 banques privées en Suisse!