Veau - « Le caméléon de la cuisine »
Se nourrir de criquets, de larves ou encore de fourmis: certains y verront le témoignage d’une époque - explorer de nouveaux territoires gustatifs et dépasser les réticences naturelles sont désormais célébrés en mode numérique -, d’autres un simple effet de mode. Si le caméléon ne semble pas faire partie des espèces menacées par les nouveaux gourous de l’alimentation, Grimod de La Reynière l’avait pourtant utilisé - au XIXème siècle déjà - pour qualifier les nombreuses aptitudes du veau.
Car si dans le cochon tout est bon, le veau semble lui aussi particulièrement bien doté par Mère Nature. La preuve? Apportée en deux temps - sur un plateau d’argent - par les élèves de l’Ecole hôtelière de Genève*, sous la houlette en cuisine de Thierry Schlatter, chef formateur du restaurant d’application Vieux-Bois**.
La cassolette de ris de veau aux écrevisses, châtaignes glacées et jus perlé tout d’abord. De quoi rappeler aux étudiants l’intérêt de connaître quelques classiques de la cuisine française. L’abat y joue magnifiquement bien sa partition, doré, moelleux, suave.
Les écrevisses - un rien croquantes - apportent un beau contraste de textures au plat qui résonne comme un accord « terre-rivière » intemporel.
Avec l’Osso-buco de veau, polenta aux fruits secs et carottes braisées, le voyage enjambe une frontière (ou ce qu’il en reste), ouvrant les portes d’une cuisine italienne sachant magnifier comme nulle autre les ingrédients les plus simples. La viande cuite six heures à basse température, gorgée de sucs, se manger à la cuiller. La sauce, où dialoguent tomate et zestes d’orange notamment, rappelle les plaisirs régressifs de l’enfance.
Le célèbre auteur de L’Almanach des gourmands avait donc vu juste. Le veau autorise de nombreux apprêts et se prête de bon coeur à l’inspiration du cuisinier. Ce dernier gardera néanmoins en tête que la dénomination générale de cette viande recouvre plusieurs réalités bien différentes. Le veau élevé sous la mère ne connaît que le lait - alimentation qui confère à sa chair un grain particulièrement fin, une couleur très claire et un gras non huileux - jusqu’à son abattage, intervenant autour de cinq mois. Dès qu’il consomme de l’herbage ou du grain en complément, il devient « broutard », sa viande se colore davantage - un vrai caméléon! - et son goût se renforce jusqu’à devenir - progressivement - celle d’un boeuf.
*www.ehg.ch
**www.restaurant-vieux-bois.ch