La situation bouge, lentement, mais elle bouge et des bastions se fissurent. A la manière de ces légers mouvements tectoniques qui ont fini par avoir raison du mur de Berlin, un soir de novembre 89. Le combat pour l’égalité se joue partout, y compris dans les médias. Et dans ce domaine, il y a un lourd retard à rattraper.
En 2016, la Commission fédérale pour les questions féminines faisait ce constat implacable: les femmes sont largement sous-représentées dans tous les secteurs de la presse, écrite, web, audiovisuelle. On y trouve des experts, plus rarement des expertes, et les «bons clients» sont rarement des clientes. On a même vu récemment, sur un plateau TV, une - discussion sur la 5G se mener uniquement entre hommes.
Certes, il y a des explications, tous les producteurs, tous les patrons de journaux vous le répéteront. L’absence de femmes tient à la composition de la société elle-même, où les élites politiques, économiques ou culturelles sont encore en majorité masculines. Les femmes ont aussi moins soif de médiatisation, et il faut souvent des trésors de persuasion pour qu’elles acceptent de s’exposer. Enfin et surtout, comme le relève l’ancienne journaliste et militante féministe Silvia Ricci Lempen, «depuis des millénaires, les hommes se sentent portés par l’attente sociale à se profiler, et les femmes à ne pas le faire». Se sentir légitime, avoir de l’ambition, cela se travaille, mais cela surtout s’encourage.
Plafond de verre
Depuis 2016, le mouvement #metoo a fouetté les revendications d’égalité et aujourd’hui les initiatives foisonnent pour faire bouger les fronts. Le journal Le Temps a mis en place un baromètre et publie chaque mois une infographie, actant la présence des femmes dans les photos, les éditos, les contributions scientifiques et les pages débats du quotidien. Les résultats sont encore modestes et le palier des 30% est rarement franchi, mais l’exercice a poussé la rédaction à une prise de conscience. La RTS a décidé d’établir des listes d’expertes, dans lesquelles les différentes émissions sont invitées à puiser. Le Nouvelliste , dirigé par Sandra Jean, a élargi la palette de ses éditorialistes. Il en va de même pour Le Matin Dimanche d’Ariane Dayer. Au Courrier , la politique d’égalité découle directement de la charte du journal.
Dans les pays voisins, le fameux plafond de verre est tout aussi difficile à briser et la situation n’est pas meilleure. Le Nouvel Obs a aligné en couverture l’an dernier les Ennio Morricone, Alain Touraine, Bill Clinton, ou autre Jean-Pierre Pernaut. Il n’y avait que 27 femmes pour 55 hommes et la rédaction relevait, dans un mea culpa collectif, la difficulté à donner une juste représentation de la moitié de la population. Au Financial Times , l’écrasante majorité des spécialistes cités sont des hommes et la rédaction a installé un logiciel qui alerte les journalistes lorsque aucune experte ne figure dans un article.
Un rôle essentiel à jouer
La question de la présence des femmes dans les médias n’est pas anodine, relève la Commission fédérale. Enclencher le cercle vertueux, mettre en avant des «femmes modèles», relever leurs contributions sociales, les rendre visibles encouragera celles qui le désirent à briguer des postes à responsabilités. Et influencera la question de l’égalité des salaires. En clair, ce sont les femmes elles-mêmes, politiques, expertes, reconnues, leaders d’opinion qui feront tomber les barrières. La presse a un rôle essentiel à jouer.
Il y a trente ans, lorsqu’on parlait des femmes dans les journaux, c’était à la rubrique nécrologique, relevait récemment Cilette Cretton, qui aura beaucoup fait pour que ses consœurs se sentent légitimées à viser les hauteurs. Aux dernières élections fédérales, les candidates composaient un tiers des listes. Elles n’étaient que 22% à l’antenne. Et le reste à l’avenant. Désormais, on le sait, il y a des places à prendre!
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Femmes et médias: des places à prendre
«Ce sont les femmes elles-mêmes, politiques, expertes, reconnues, qui feront tomber les barrières»