Le Nouvelliste a décidé de ne pas s'attarder sur le conflit qui oppose le Conseiller d’Etat Christophe Darbellay à la mère américaine de son enfant né hors mariage. Il l’a fait savoir samedi à ses lecteurs: «Après des recherches sérieuses, nous avons estimé que tous les détails de l’affaire n’étaient pas d’intérêt public». Cette prise de position fait suite à la publication des détails du contentieux par la Weltwoche . La justice a été saisie et le rédacteur en chef du magazine zurichois enfile aujourd’hui le costume de Woodward pour hurler à la censure.
Vraiment?
L’affaire a débuté par l’envoi de documents confidentiels, à plusieurs rédactions romandes et alémaniques. A l’origine des fuites, de «curieux informateurs», dit Le Nouvelliste qui laissent entendre que Christophe Darbellay n’assurerait pas le versement de sa pension alimentaire. Le politicien démocrate-chrétien serait-il en rupture avec les valeurs qu’il professe? C’est ce doute que le magazine a choisi d’étaler au grand jour... sans préciser que la procédure américaine a été close il y a deux ans, en faveur du Conseiller d’Etat et qu’il n’y a aucune procédure en cours, ni en Suisse, ni ailleurs.
L’article de la Weltwoche a été frappé d’une mesure superprovisionnelle, arrivée trop tard pour empêcher sa sortie en kiosque. Mais toutes ses références ont été noircies dans la version électronique.
Le rédacteur en chef et conseiller national UDC Roger Köppel en appelle aujourd’hui à la liberté d’expression, au courage de l’enquête. Il convoque le droit de savoir du citoyen. La personne concernée étant une personnalité publique, il s’agit pour lui d’un acte de censure. «Dressur der Journalisten», titre ironiquement le magazine, qui y voit une tendance nouvelle de mise au pas de la presse. Pierre Maudet, Pascal Broulis ou Jacqueline de Quattro et maintenant Christophe Darbellay. Tous passent à la contre-attaque.
A vrai dire, ces affaires n’ont pas grand-chose en commun et méritent chacune une analyse particulière. Dans le cas Darbellay, Le Nouvelliste a choisi de suivre les règles de base du métier de journaliste, justifiant son utilité à l’heure des fake news et du déversoir sans filtre des réseaux sociaux.
La rédaction valaisanne dit avoir enquêté, ce qui est son devoir. Elle a sans doute jugé de la valeur des révélations, pondéré leur intérêt public au vu des dommages qu’elles pouvaient engendrer auprès des personnes concernées, pour finalement faire un choix. Celui de ne rien diffuser. Elle a, en clair, exercé son rôle d’intermédiaire, de «gatekepper» comme disent les Anglo-Saxons. Elle a fait ce que l’on attend des journalistes en démocratie: enquêter, juger de l'importance des informations et trancher entre différents intérêts.
La rédaction s’est probablement aussi interrogée sur l’origine des fuites, sachant selon l’expression consacrée qu’il n’y a pas de scoops innocents. Étaient-elles destinées à influencer le procès en cours, à exercer un chantage, ou à servir des intérêts politiques ou strictement privés?
On ne peut à ce propos s’empêcher de se souvenir que Christophe Darbellay était à la manœuvre à Berne lors de la chute de Christophe Blocher, puis en Valais lors de celle d’Oskar Freyinger. Dans ce contexte, la très UDC Weltwoche a-t-elle été moins vigilante que les autres titres de la presse suisse, qui se sont contentés de relayer les faits en quelques lignes? On peut s’interroger.
Cette affaire, qui n’en est pas une en l’état de nos connaissances, rappelle que si la transparence est l’arme de la presse contre les excès du pouvoir, elle n’autorise pas tout et doit être mise en balance avec d’autres droits fondamentaux. Celui notamment du droit à la protection de la vie privée. Même pour un homme public.
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Christophe Darbellay: vie privée, vie publique
La transparence est une vertu cardinale en démocratie. Elle n'autorise cependant pas tout, comme l'illustre la récente "affaire Darbellay".