Dans l’affaire Ramadan, les journalistes peuvent-ils n’être ni pour, ni contre, mais simplement journalistes? Peuvent-ils aborder le cas avec les armes de la profession. Esprit critique, enquête, vérification, information. Peuvent-ils éviter de piétiner tous les acquis du siècle des Lumières et renoncer au lynchage, que l’on pratiquait autrefois sur les places publiques?
La réponse vient d’être donnée de manière magistrale par la Tribune de Genève et Sophie Roselli, qui s’était déjà distinguée par ses enquêtes sur le phénomène de radicalisation. Oui, ils le peuvent.
On en doutait, au vu du déferlement de la meute depuis une semaine.
En l’état, voici ce que l’on sait de l’affaire Ramadan :
Deux femmes ont porté plainte contre le Genevois, pour viol. Les faits reprochés sont graves et la justice tranchera. Ramadan est soit coupable, soit innocent. En attendant, pour lui comme pour tout un chacun, joue la présomption d’innocence, l’un des acquis de la révolution.
Grâce à l’enquête de la «Tribune de Genève», on sait désormais que plusieurs anciennes élèves du professeur genevois, dont certaines mineures, ont témoigné d’un comportement qui mêlait, selon elles, séduction, manipulation, relations sexuelles et même violence. Les faits sont prescrits mais la vraie enquête de la Tribune sera difficile à contrer pour Tarik Ramadan, qui devra préparer une défense autre que celle basée sur la théorie du complot. A ce propos, que savait l’instruction publique? Qu’a-t-elle entrepris? Et les collègues? Se sont-ils tus?
Voilà les faits et les témoignages et ils suffisent à donner des hauts le cœur. Tout le reste est indigne.
Indigne de lire dans «Le Monde» réputé sérieux, le terme «accablant» pour qualifier la plainte de la première femme. «Accablant» oui si celle-ci dit vrai. Mais si elle dit faux? Ahurissant de lire complaisamment dans toutes sortes de publications, les détails les plus sordides du dossier. Jusqu’à l’urine sur corps de la supposée victime. Odieux, si c’est vrai mais si c’est faux? Qu’en est-il de la protection de la personnalité, inscrite dans l’éthique de la profession? Etonnant d’entendre dans la bouche de l’ancien ministre Manuel Valls une fatwa contre les journalistes de Mediapart qui ont accepté le dialogue avec Ramadan, sans en connaître la face sombre. Si les faits sont avérés.
A croire que les déversements de haine sur les réseaux sociaux ont ouvert toutes les vannes.
C’est en France surtout que les passions se déchainent. Ce pays joue en permanence et dangereusement, à travers ses réseaux, le conflit communautaire. Insultes antisémites, islamophobie, accusations crasses, passions incontrôlées, la situation menace à tout moment de dégénérer.
En attendant que Ramadan soit jugé, la prudence et les conditionnels sont d’autant plus conseillés que les accusations sont graves et touchent l’un des intellectuels les plus contestés de notre époque. Son discours, religieux, social et politique, doit être abordé avec les armes de la rhétorique. Le reste est de l’ordre de la justice. Le rôle des médias est d’en rester aux faits et dans le cas précis, ils ne sont pas mineurs!
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Affaire Ramadan: non à la meute!