Pierre Maudet a longtemps été choyé par la presse, mais le Prince est devenu crapaud et à l’excès de compliments succède aujourd’hui l’outrance des reproches. «Nuisible», «paria», «triste sire», les insultes volent en patrouille dans les médias et l’affaire vire à l’hystérie. Pourquoi un tel déchaînement contre le conseiller d’Etat genevois? Une telle violence verbale? Il n’est pas dit que le public s’y retrouve. Il pourrait bien, comme l’a fait la base du Parti libéral-radical, être tenté par le pardon.
C’est entendu, le magistrat a menti en largeur, joué avec ses impôts et personne n’en aurait rien su sans le courage et le professionnalisme de quelques journalistes. Pour le reste, le gouvernement peut gouverner, la justice instruire et la presse enquêter, en toute liberté, et si l’affaire prouve une chose, c’est bien la solidité de nos institutions. L’agitation suspecte de certains, qui sent la vengeance et les rivalités rentrées, n’y change rien.
Le dossier Maudet n’entache ni la Suisse, ni la République, il est celui d’un homme, seul, qui a fauté et avoué, contraint par l’évidence des preuves. Qui aurait donc pu démissionner, la crédibilité entamée, mais a choisi de rester, ce que, en l’état, les institutions permettent. A moins d’avoir raté un chapitre, il n’y a pas guerre civile. Alors, pourquoi cet emballement?
Manque de diversité sociale
Le quotidien Libération vient de faire, sur plusieurs colonnes, «l’examen de confiance» des médias, pour en comprendre les critiques actuelles. Plusieurs journalistes se sont exprimés, avec humilité, pour constater d’abord un manque de diversité dans l’approche des faits, qui tient à un manque de diversité sociale. Les journalistes ont fait les mêmes écoles et partagent souvent une même idéologie de centre confortable, qui les préserve de tous soucis. «Ils écrivent librement ce qu’ils sont socialement programmés à écrire.»
Dans la crise des gilets jaunes, il a fallu plus de deux mois à certains grands titres de la presse française pour admettre les violences policières, pourtant documentées sur les réseaux sociaux. Dans «l’affaire Maudet», les commentaires qui ont suivi le vote de confiance de la base du Parti vont tous dans le même sens. Peu de voix pour tenter de comprendre une décision de citoyens libres qui, tous arguments pesés, ont décidé de passer l’éponge, dans l’attente sans doute d’une décision de justice. Peu pour relever l’exemplaire tenue d’une assemblée qui a débattu en toute transparence et en présence de tous les camps. Et où la presse était admise! Pierre Maudet y avait sans doute intérêt. Il s’y est montré tel qu’en lui-même, brillant orateur et tacticien coriace. Pour s’être laissé éblouir, les plumes plongent aujourd’hui dans l’acide. «Beaucoup de journalistes considèrent que leur rôle est de dire le bien et le mal», lit-on encore dans Libération . «La façon dont certains d’entre eux se placent au-dessus des gens choque.»
Ainsi va la démocratie
L’affaire Maudet fait mousser le microcosme, où les coups se donnent et se rendent. Sa démission calmerait les esprits et arrangerait quelques «amis» radicaux, l’œil sûr rivé sur les prochaines élections fédérales. On a connu ceux-ci moins soucieux de morale, aux grandes heures des affaires bancaires.
Son retrait ferait sans doute plaisir à quelques éminences du Ministère public, dont on peut interroger l’action. N’est-il pas inquiétant que des procès-verbaux d’audience circulent et que les informations fuitent de partout?
Le départ de Pierre Maudet serait logique, souhaitable, mais il ne part pas. Il se croit innocent, pénalement. Ce que la justice dira.
Il se peut, en l’absence de condamnation, que les citoyens soient appelés un jour à décider de la suite de sa carrière. Ainsi va la démocratie, «le pire des systèmes à l’exclusion des autres». Dont acte.
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Affaire Maudet: l’hystérie
A moins d’avoir raté un chapitre, il n’y a pas guerre civile. Alors, pourquoi cet emballement?