Si toute notre planète parlait « Europanto », personne ne se poserait la question de l’influence du plurilinguisme sur l’économie. La réalité étant pluriculturelle et donc aussi plurilingue - n’oublions pas qu’on parle plus de 6000 langues différentes sur Terre - il est intéressant de se pencher sur les avantages ou désavantages économiques du plurilinguisme pour les personnes et les entreprises.
Une première réflexion pourrait nous faire imaginer que le plurilinguisme dans une entreprise n’est qu’un handicap, mais ceci n’est pas correct comme nous allons le voir, entre autres selon une étude faite par le professeur en économie François Grin de l’Université de Genève :
Selon le professeur Grin, le multilinguisme augmenterait le PIB de la Suisse de 10% ! Et ceci concerne non seulement les entreprises qui fabriquent et échangent des produits avec des régions du pays ou du monde où l’on parle une autre langue, mais aussi les entreprises qui ne sont pas dans le domaine du commerce.
Se pourrait-il que les employés se sentent plus à l’aise pendant une séance s’ils peuvent parler dans leur langue maternelle ? Seraient-ils peut-être même plus créatifs et productifs grâce à cette flexibilité à l’intérieur de l’entreprise ? Selon Grin, les employés multilingues gagnent un salaire plus élevé - 10 à 15% au Canada et aux Etats-Unis - et seraient mieux protégés contre le chômage. Il est également observé que les cadres monolingues tendent à préférer choisir du personnel de leur propre langue, quitte à renoncer à une personne plus qualifiée parlant une autre langue.
L’étude de François Grin tente une estimation mathématique, probablement une première mondiale dans cette direction, de la plus-value du plurilinguisme. Son analyse est si détaillée qu’elle calcule même les avantages financiers du plurilinguisme spécifiquement pour les diverses branches de l’industrie : machines, chimie, …. Les intéressés trouveront tous les détails dans son article publié dans le cadre du projet de recherche du fonds national NPF56 .
Lorsqu’on vit, au jour le jour, le quotidien du plurilinguisme en entreprise, on voit que cette vision n’est pas contredite : un industriel st-gallois me racontait faire traduire par des logiciels gratuits ses protocoles de réunion pour sa succursale en Suisse Romande. Inutile de se poser plus longtemps la question de savoir si un peu plus de bilinguisme ne pourrait pas augmenter la qualité de la communication, et donc les performances de son entreprise.
Ou si vous avez l'occasion de tendre l'oreille dans la salle de petit-déjeuner d'un hôtel proche d’un conglomérat européen tel que Airbus, vous découvrirez rapidement que les propos tenus par les homologues de chaque langue entre eux sont souvent bien plus tranchés que leurs déclarations en réunion en anglais. Là aussi, un plurilinguisme vécu plutôt que forcé apporterait certainement de l’huile dans les rouages.
En conclusion, étant donnée la richesse linguistique et culturelle de la planète sur laquelle nous vivons, les entreprises ont tout intérêt à jouer la carte du plurilinguisme, un avantage pour elles-mêmes aussi bien que pour leurs employés, et donc également pour les nations plurilingues.
Par Sandra Tinner
Née à La Chaux-de-Fonds, vivant à Zurich, Sandra Tinner est neurolinguiste, active dans des projets de recherche et d'enseignement aux universités de Constance et Zurich ainsi qu'à la HEP de Suisse Nord-Ouest. Ses axes de recherche s'orientent autour du bilinguisme, des neurosciences ainsi que des aspects politico-économiques du bilinguisme. Elle est auteure de nombreux articles, scientifiques et politiques, dans la presse quotidienne et spécialisée.
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10% du PIB grâce au plurilinguisme