L’UE restera en un morceau
Certes, il reste d’un excellent effet de pronostiquer, au bistrot du port comme au dîner de gala, que la Grèce quittera l’UE. Tout comme il est de bon aloi d’affirmer que la Grande-Bretagne quittera l’UE. De même, le bon goût dicte de déclarer que l’on ira, à coup sûr, vers une déconstruction de l’Union des 28, sans cesse annoncée depuis 2010. Mais quelque chose a changé. Trois ans après la crise de l’euro, l’idée s’est un peu démodée.
Lorsqu’en janvier 2013 David Cameron a promis aux Britanniques un référendum sur l’UE, c’était seulement trois mois après la fin de la crise. Les émotions étaient vives. Toutes les velléités de sortie de l’UE, qu’elles soient grecques, italiennes ou britanniques, et les initiatives anti-Europe en Suisse ont pris corps à ce moment-là. C’est en 2012 que l’UDC a déposé l’initiative contre l’immigration de masse, que Marine Le Pen voulait faire «exploser» l’UE, que l’europhobe Beppe Grillo a réalisé ses meilleurs suffrages en Italie, et qu’Alexis Tsipras était pour le «Grexit».
Le vrai test pour l’Europe: 2017
Trois ans plus tard, le ton s’est modéré. Personne ne veut vraiment sortir de l’UE, y compris la Grande-Bretagne. Cameron, réélu en ce début mai, a certes maintenu sa promesse de référendum en 2017, mais ce geste vise surtout à réconforter les Britanniques quant à une remise à plat des relations avec l’UE et à une restauration d’une certaine idée d’être Anglais. Le «Brexit», lui, ne semble pas rallier la majorité de la population.
En France, sortir de l’euro n’est soudain plus le mantra de Marine Le Pen, qui a d’autres soucis (d’ordre familial, si l’on ose dire). Tsipras, lui, a évacué le scénario du Grexit au début de 2015, lors de son élection comme premier ministre. Le frondeur Beppe Grillo s’est soudain assagi cette année, affirmant même s’être «trompé» et s’ouvrant au dialogue. Entre-temps, la croissance en Europe a ressuscité. Le PIB de l’UE devrait progresser de 1,8% en 2015 et de 2,1% en 2016, réduisant l’écart avec les Etats-Unis.
L’année 2017 constituera le vrai test. L’assouplissement monétaire de la BCE aura pris fin. Les prix du pétrole et l’euro faible, qui ont dopé l’économie, pourraient cesser d’être un soutien. Les pressions des membres du parti d’Angela Merkel pour qu’elle chasse la Grèce de l’Union pourraient s’accentuer, alors que 2017 verra les élections législatives en Allemagne. La France pourrait voir le Front national au second tour, et Marine Le Pen devra préciser ses positions.
Les élections américaines, le 8 novembre 2016, et l’état de l’économie américaine à ce moment-là, auront une influence clé sur la Grande-Bretagne. Et surtout, 2017 verra le référendum britannique. David Cameron veut convaincre l’UE d’accorder plus de pouvoir aux capitales nationales. Faute de quoi, Londres pourrait claquer la porte. Il devrait demander conseil à Berne: conclure des traités bilatéraux avec l’UE en devant appliquer des normes européennes et sans pouvoir peser sur les décisions, c’est plutôt ce sort-là qui attend un Royaume-Uni isolé.
Outre le fait que le Brexit pourrait lui coûter l’Ecosse, et des rétorsions contre les Britanniques d’Irlande, les banques de la City perdraient l’accès au marché des services financiers de l’UE, celui-là même que les banques suisses ont cherché à obtenir, tout en restant hors de l’UE, sans y parvenir. Les lobbyistes de la City, 14 fois plus influents à Bruxelles que ceux de la Suisse, perdraient ainsi ce que nos banques leur ont envié. La Grande-Bretagne n’est pas du genre à s’autosaborder. J’ai un scoop: l’UE restera en un seul morceau.