En avril 2011, nous avertissions ici du risque d’un krach obligataire aux Etats-Unis, d’ici à 2014. Entre-temps, le marché obligataire américain n’a eu de cesse de gonfler. Alors que la dette de la zone euro a connu de sévères corrections entre 2009 et 2012, c’est aux Etats-Unis que le marché obligataire est le plus surévalué: bons du Trésor, obligations corporate, emprunts à haut rendement (junk), crédit titrisé et structuré, ETF sur obligations, toutes les valeurs basées sur la dette sont actuellement hypertrophiées par l’excès de liquidités gratuites qui s’y est investi. Le gonflement des valorisations «a créé un potentiel pour une bulle obligataire qui pourrait déboucher sur des pertes substantielles pour les investisseurs», a mis en garde Fitch Ratings le 19 décembre.
Le problème des prévisions et mises en garde, c’est que, même la veille d’un krach, elles passeraient encore inaperçues dans le brouhaha général de l’euphorie aveugle, caractéristique des sommets de bulles spéculatives. C’est ainsi qu’à Davos, alors que l’élite économique mondiale se félicitait que l’indice S&P 500 soit arrivé à 1500 points pour la première fois depuis 2007, le président de Goldman Sachs, Gary Cohn, mettait le monde en garde de façon explicite contre un risque de krach obligataire. Un avertissement clé, pourtant passé au second plan.
Il viendra un moment, disait Gary Cohn, où les taux d’intérêt remonteront, et où tout l’argent entassé dans l’obligataire ces trois dernières années voudra sortir en même temps. On peut d’ailleurs supposer, au vu de cette annonce, que comme en 2007, Goldman Sachs est déjà sortie des positions propres sur l’obligataire, pendant qu’il existe encore un marché acheteur et liquide, pour se positionner contre le marché obligataire, et attendre l’effondrement.
Par ailleurs, le 3 février, Business Insider révélait qu’UBS s’apprêtait à envoyer une lettre à ses clients, pour les avertir du risque élevé du marché obligataire. Il semblerait qu’à l’intérieur des banques, les craintes soient vives de voir les clients encourir des pertes en cas de krach, et accuser ensuite les établissements de ne pas les avoir avertis suffisamment tôt.
4 milliards d’obligations par jour
Personne n’ignore, en effet, que le risque obligataire est neutralisé de manière purement artificielle. Le marché obligataire doit tout aux trois assouplissements quantitatifs et à l’Opération Twist, qui ont mené la Fed à acheter pour 2200 milliards de dollars d’obligations du Trésor et de papiers subprime depuis 2009. Actuellement, elle achète pour 85 milliards d’obligations par mois, soit 4 milliards par jour. Alors que son bilan atteindra 4000 milliards de dollars d’ici la fin 2013, les problèmes budgétaires américains n’ont pas vu le début d’une solution.
Le risque, pour l’investisseur, c’est que les premiers vendeurs d’obligations, comme en 2007, soient les banques elles-mêmes. Selon McKinsey, les 13 plus grandes banques d’affaires s’apprêtent à élaguer leurs bilans de 1030 milliards de dollars d’actifs risqués; l’obligataire sera vendu en premier. Alors, la masse des investisseurs, prise de court, restera à l’arrière pour encaisser l’essentiel des pertes.
Le marché obligataire actuel, c’est une massive opération spéculative où banques et spéculateurs, lucides, co-investissent pragmatiquement avec la Fed, tel un banc de petits poissons opportunistes nageant dans l’énorme sillon de la baleine monétaire. Mais leur stratégie est de sauter du train en marche, au moment opportun, c’est-à-dire au sommet de la bulle. Il convient donc de voir le marché obligataire américain pour ce qu’il est: un casino, où même les bons du Trésor sont hautement spéculatifs, à tort considérés comme sûrs. Celui qui veut s’y risquer est libre de le faire, mais à ses risques et périls.
Quand la peur disparaît des marchés, c’est là qu’il faut avoir le plus peur.
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Face au risque de krach obligataire, le déni