Le monde actuel, qui tend vers la déglobalisation et le renforcement des principaux blocs économiques (Etats-Unis, Chine, Europe), n’est plus celui d’une unique monnaie de référence. Pour le dollar américain, cela fait quelques années que l’ère hégémonique prend doucement fin. Sa domination est aujourd’hui très large dans le domaine des marchés financiers, mais l’est nettement moins dans celui de l’économie réelle.
Le 11 février, une analyse de la Réserve fédérale de New York estimait que, parmi les développements majeurs affectant l’architecture financière globale, se trouvaient l’introduction de l’euro depuis 2000, la montée du statut de la Chine dans l’économie globale et des innovations qui ont suivi la crise financière de 2008 comme les cryptomonnaies. «Ceci, et d’autres facteurs, a eu et aura le potentiel d’altérer la demande potentielle pour l’usage de dollars», écrivent Linda Goldberg et Robert Lerman, analystes de la Fed de New York. Aujourd’hui, la taille de l’économie de la zone euro est comparable à celle des Etats-Unis. Quant à la Chine, l’usage international de sa monnaie a augmenté avec sa part croissante dans le PIB global, et avec la multiplication d’arrangements «swap» (échanges directs de devises, sans passer par le dollar) avec des banques centrales étrangères, qui permettent de régler directement des transactions commerciales en renminbi. Enfin, le mégachantier de la Route de la Soie a encouragé de gros investissements d’infrastructure, favorisant l’expansion du renminbi.
Le dollar est quant à lui sorti renforcé après la crise de 2008 par le rôle spectaculaire que la Fed a joué en tant que prêteur en dernier ressort pour l’ensemble du système financier. Mais en réalité, l’image d’un dollar toujours dominant vient surtout de son omniprésence sur les marchés financiers: la moitié des transactions boursières quotidiennes sont réglées en dollars; il est utilisé dans 88% des volumes de transactions du marché des changes et dans 49% de toutes les émissions obligataires. Cela inclut l’essor fulgurant de la finance de l’ombre (shadow banking) depuis 2009, désormais appelée «finance non bancaire», qui a donné lieu à une très importante activité financière en dollar, très peu régulée et centrée sur la dette spéculative à court terme et nourrie par dix ans de taux d’intérêt très bas orchestrés par la Fed américaine.
Tendances moins favorables
Mais d’autres facteurs plus fondamentaux réduisent le potentiel de l’usage international du dollar: les déséquilibres financiers grandissants aux Etats-Unis, avec une dette fédérale dépassant les 20 000 milliards de dollars, qui accroissent le risque de la dette souveraine en billet vert; la politique protectionniste de l’administration actuelle, qui complique les échanges et les liens commerciaux et incite certains pays sous le coup de sanctions, à l’instar de la Russie, à rechercher des alternatives au dollar. La Banque de Russie aurait ainsi converti la moitié de ses dollars, mi-juin 2018, en euros et en renminbis. Citons aussi un déclin de la banque de correspondance (où des banques mandatent d’autres banques pour fournir des services en leur nom). Le dollar a vu sa part dans les réserves des banques centrales passer de 70% en 1999 à 63% en 2018. L’euro et un nombre diversifié de monnaies grignotent lentement sa part, reflet du commerce mondial en évolution. Le renminbi est devenu la deuxième monnaie la plus utilisée dans le financement du négoce de matières premières, et la cinquième plus populaire dans les paiements au niveau mondial. Le dollar aura, au final, gagné la bataille hégémonique dans le domaine financier. Mais les étalons de référence sont définis par les flux commerciaux.
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Dollar: plus boursier que réel
L’image d’un dollar dominant vient de sa part sur les marchés financiers plutôt que dans l’économie réelle