Faire d’un moine bouddhiste le principal orateur d’un congrès mondial sur la gestion de fortune: le monde de la finance se chercherait-il une nouvelle tête? J’ai connu un gérant de hedge fund dont la politique de placement était guidée par la méditation – avec des résultats mitigés – mais de là à envisager des séances de lévitation collective pour mieux mesurer l’envolée des marchés financiers…
Matthieu Ricard était l’invité du congrès mondial des conseillers indépendants en investissements financiers, tenu récemment à Monaco. Captivant, le moine l’est à plus d’un titre: fin connaisseur des neurosciences et de leur contribution à une meilleure connaissance de la compassion et de l’altruisme, grand communicateur et… excellent photographe, de ceux qui ont compris qu’il ne s’agit pas de prendre des images, mais plutôt de se laisser prendre par elles.
Le moine a une conviction forte, étayée par les expériences en laboratoire menées par des neuroscientifiques: plus nous témoignons notre compassion et empathie envers autrui, plus notre cerveau va réagir et développer des zones neuronales dans notre cortex qui vont nous donner envie de faire preuve d’altruisme. Cette notion fondamentale de la plasticité cérébrale, l’Université de Genève l’étudie dans le domaine de la neurofinance, en collaboration avec les neuroscientifiques du Campus Biotech. Il s’agit de placer des capteurs sur les cerveaux des traders et des gérants de fortune pour étudier leur comportement, à l’aune des nouvelles sur les marchés financiers.
Expérience pratique - -
Imaginez l’expérience suivante: vous achetez 1000 actions UBS à son cours actuel d’environ 20 francs et en faites de même pour ABB, sensiblement au même cours. Six mois plus tard, l’action ABB a grimpé à 25 francs, et celle d’UBS a reculé à 15. Il s’agit dans un premier temps de déterminer si vous êtes un adepte de la stratégie du «momentum» qui consiste à miser sur les titres gagnants et vendre les perdants, ou à celle du «retour à la moyenne» qui veut que vous preniez les bénéfices sur les titres gagnants pour augmenter le poids des titres perdants.
Dans le premier cas de figure, la stratégie implique de vendre à perte, ce à quoi la plupart des investisseurs rechignent, convaincus qu’ils sont du dicton «pas vendu, pas perdu». A tort, puisque la perte est bien présente, même si elle n’est pas réalisée. La neurofinance permettra de mieux comprendre la prise de décision dans ce cas de figure.
Extension logique de la finance comportementale, la neurofinance est un domaine d’avenir passionnant, en ce qu’il permet de mieux comprendre les excès dans la prise de risque des investisseurs ou dans l’aversion aux pertes. Elle permet également de mesurer la confiance des investisseurs, ce baromètre essentiel pour la bonne tenue des marchés financiers.
J’ai demandé à Matthieu Ricard si je pouvais le prendre en photo avec les yeux fermés, ce qu’il a accepté instantanément. Etait-il d’accord pour que cette image illustre la confiance aveugle que les investisseurs placent dans les banques centrales pour leur capacité à soutenir indéfiniment les marchés financiers? Assurément.
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A l'assaut du cerveau des traders