Personne n’a pris la défense de Thomas Jordan mardi soir à l’auditorium Joseph Deiss de l’Université de Fribourg. Seul contre tous et malgré un discours bien rôdé, le président de la direction générale de la Banque nationale suisse (BNS) a tenté, en vain, de justifier les raisons qui ont obligé l’institut d’émission à renoncer au cours plancher du franc vis-à-vis de l’euro. Invité par l’Etat de Fribourg et la Chambre de commerce et d’industrie de Fribourg (CCIF) pour une conférence-débat autour de ce thème, Thomas Jordan a dû affronter des interlocuteurs très inquiets de l’envolée de la devise helvétique depuis le 15 janvier de cette année. Une inquiétude partagée par la majorité des acteurs économiques helvétiques.
«J’ai pensé que la BNS était mon paratonnerre. Mais j’ai ramassé la foudre», a ainsi lancé Chantal Robin, directrice administrative de Sofraver présente dans la technologie du verre et présidente du Groupement industriel du canton de Fribourg. Selon cette dernière, 50% des entreprises suisses ont changé de fournisseurs au profit de sous-traitants de la zone euro.
«Nous assistons à une désindustrialisation silencieuse de notre pays», a renchéri Alain Riedo, directeur de la CCIF. Et de poursuivre: «Nous oublions que la force du franc ne touche pas uniquement les entreprises exportatrices, mais aussi celles actives sur le marché intérieur avec l’arrivée de sociétés étrangères qui profitent de la faiblesse de l’euro.» Chef des finances cantonales, le conseiller d’Etat Georges Godel a évoqué le cas d’une société fribourgeoise qui a perdu un marché dans le canton de Zoug, lequel a été remporté par un concurrent autrichien.
Pour Alain Riedo, le soutien aux entreprises indigènes par le biais d’achats de prestations ne suffit pas. Encore faut-il que le donneur d’ordre connaisse parfaitement leur potentiel et leur marché. «Un service de l’Etat a pensé bien faire en s’approvisionnant auprès d’un acteur local. Mais il ignorait que celui-ci devait se fournir à l’étranger pour satisfaire cette commande», raconte le directeur de la CCIF.
De son côté, Sergio Rossi, professeur de macroéconomie et d’économie monétaire à l’Université de Fribourg, a critiqué la politique des taux négatifs. «Il serait préférable de taxer les flux de capitaux en francs. Avec cet argent, la BNS pourrait créer un fonds de soutien aux entreprises en difficulté.»
Au terme de la conférence-débat, René Jenny, président de la CCIF, n’a pas mâché ses mots. «Faut-il revoir les compétences de la BNS? Peut-on confier la responsabilité du taux de change à un seul homme?» s’est-il interrogé face aux conséquences dramatiques de la surévaluation du franc. Ce débat aura-t-il lieu? C’est peu probable. La question de l’indépendance de la banque centrale reste taboue.
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Franc: la solitude de Thomas Jordan