Dans les petits papiers du Panama
Un immense projecteur vient d’être braqué sur le Panama. Et pas seulement sur ce pays, mais sur tous ceux, souvent petits et entourés d’eau, qui accueillent des milliers de structures juridiques dites « offshore ». Beaucoup d’encre a déjà coulé sur ce sujet, mais plusieurs points me semblent laissés de côté.
Un tsunami d’indignation a déferlé sur les propriétaires de ces structures en les présumant coupables. En revanche, personne ne s’émeut du vol de données qui a permis ces révélations. Ce sont presque 40 ans de travail qui ont été arrachés à leurs auteurs, la plus grande masse de données volée à ce jour. Soit ces données étaient mal protégées, soit les voleurs étaient très bien organisés. Ne devrait-on pas aussi les rechercher et les juger ?
L’« offshore » a toujours eu mauvaise presse, alors qu’il désigne simplement une localisation dans un autre pays. Les structures « offshore » aussi, alors que la plupart poursuivent des buts tout à fait légitimes de limitation de la responsabilité, de protection des actifs ou de planification successorale. Cela est d’autant plus vrai lorsque leur propriétaire réside dans un pays où il ne doit, de par la loi, pas payer d’impôt. Et si l’évasion fiscale a pu motiver la création de certaines structures, cet état de fait appartient désormais au passé ou aux inconscients, en tout cas en Suisse.
C’est l’un des autres aspects qui n’est pas assez relevé par les publications en quête de sensationnel : bien sûr qu’en 40 ans des dizaines de milliers de structures ont été créées, mais combien en reste-t-il qui sont actives aujourd’hui ? Lorsque l’on voit combien le nombre de mandats d’administrateur de certains avocats a fondu, il faut en déduire que le nombre des structures a suivi la même pente.
Les journaux parlent aussi beaucoup des banques suisses. Leur présence dans les « Panama papers » est le reflet de la part de marché de la Suisse dans le domaine de la gestion de fortune. Et encore, les métriques publiés révèlent que trois fois plus de structures ont été commandées au Royaume-Uni et à Hong Kong – alors que leur part de marché n’est pas le triple de la Suisse.
Enfin, tout article sur le sujet devrait conclure en rappelant que l’échange automatique de renseignements, déjà en vigueur (en principe !) dans 55 pays et qui débutera dans 41 autres l’année prochaine, rendra toutes ces structures transparentes. Si ce n’est pas une banque qui annonce le compte qu’elle détient, c’est la structure elle-même qui devra l’annoncer. Ces communications sont certes réservées aux autorités fiscales, mais on peut imaginer qu’un criminel non plus n’a pas envie de révéler le produit de ses activités. C’est pourquoi l’abus de structure n’existera bientôt plus, à condition que tous les centres financiers jouent le jeu et appliquent correctement l’échange automatique. Et pas seulement le Panama, les BVI ou les Bahamas, mais aussi les Etats-Unis.