Un leader doit rester calme, toujours, et savoir écouter, parfois, car cela peut s’avérer d’une grande sagesse. Se taire peut en effet être un mode de communication décisif !
L’exemple majeur et historique de Winston Churchill en témoigne de manière éloquente. Au début de la seconde guerre mondiale, le premier ministre britannique Neville Chamberlain, en pleine tourmente, décida de choisir Lord Halifax comme successeur. Dans le même temps, il souhaita que Churchill intègre le nouveau cabinet. Au courant de ces manoeuvres, une personnalité des médias, Lord Beaverbrook, interpella son vieil ami Churchill en lui disant que la nomination de Lord Halifax était un crime contre la Nation et qu’il n’y avait que lui pour sauver l’Angleterre. Il le conjura de rester silencieux trois minutes quant Chamberlain lui demanderait officiellement de rejoindre le cabinet Halifax.
Le lendemain, Churchill et Halifax étaient réunis dans le bureau de Chamberlain, au 10 Downing Street. Ce dernier demanda au Vieux Lion : «Voulez-vous confirmer à Lord Halifax que vous acceptez d'entrer dans son cabinet ?...». Et Churchill se tut. Après deux minutes de silence, Lord Halifax, considérant l’habit de la fonction trop grand pour lui, lança: «Je crois que c'est Winston Churchill qui doit être Premier Ministre !». Trois minutes, et le sort de l’Angleterre en fut jeté…
Pour un leader, notamment en situation de crise, le silence se révèle être parfois une très grande force. Observer, écouter, sous-peser, évaluer, jauger, juger et lire dans le regard des autres pour les comprendre et les influencer. La communication est aussi, et peut-être même surtout, dans le non verbal.
L’enjeu, pour un homme politique, est de savoir convaincre ses électeurs et ses interlocuteurs du bien-fondé de son programme politique. Dans cette optique, selon le sociologue Rémy Rieffel, les hommes politiques utilisent aujourd’hui cinq techniques de persuasion :
la personnalisation des interventions ;
la publicisation de leur intimité ;
la théâtralisation de leurs activités ;
l’emploi d’une nouvelle rhétorique politique ;
et l’usage intensif des sondages.
Dans le cas de Churchill, ce dernier a clairement utilisé ces quatre premières techniques de persuasion, en se taisant, en bougonnant, en se mettant en scène dans un moment historique, et en décidant finalement de ne rien dire alors que son tempérament réclamait qu’il prenne la parole, bon sang !
Un homme politique est un fondé de pouvoir au premier sens du terme. De par son mandat, il est pourvu du skeptron - le sceptre du pouvoir dans la Grèce antique - et de ce fait habilité à faire usage de la langue de l’institution, de la parole officielle et légitime. Comme le souligne le sociologue Pierre Bourdieu, l’usage du langage, c’est-à-dire aussi bien la manière que la matière du discours, dépend de la position sociale du locuteur. C’est l’accès aux instruments légitimes d’expression, donc la participation à l’autorité de l’institution, qui fait tout la différence. Y compris, selon les circonstances, le recours au silence… A bon entendeur !
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Quand le silence est d'or